Dans le bassin industriel de Lacq (Pyrénées-Atlantiques), le projet de méga-usine de biocarburants porté par la PME lyonnaise Elyse Energy pose ses premiers jalons mais suscite une forte opposition d'associations environnementales qui manifesteront samedi.
Le président Emmanuel Macron l'avait annoncé il y a deux ans: la plateforme E-CHO doit s'installer sur deux friches industrielles pour produire 200.000 tonnes de carburant bas carbone par an "d'ici la fin de la décennie" selon Benoît Decourt, cofondateur de l'entreprise.
Les deux sites produiront essentiellement des biocarburants pour l'aviation (SAF) et du e-méthanol destiné au transport maritime et à la chimie, ainsi que, dans une moindre mesure, du naphta, mélange d'hydrocarbures utilisé pour le bioéthanol (ou E-85).
Elyse Energy projette de créer 700 emplois sur le territoire, dont 90 directs, moyennant un investissement de deux milliards d'euros, faisant d'E-CHO le plus important projet de ce bassin industriel historique.
Après une phase de concertation préalable menée en 2024, l'entreprise prévoit de déposer une demande d'autorisation environnementale "pour le dernier trimestre 2025", avant le lancement d'une enquête publique en 2026, puis le début de la construction en 2027.
Pour les opposants comme Jacques Descargues, ancien secrétaire général de l'Office national des forêts (ONF), le projet "va dans le mur". Un large collectif d'associations environnementales appelle à la mobilisation, samedi à Pau, contre le recours au bois comme biomasse pour alimenter l'usine, et l'impact sur les forêts alentour.
Si 70% de l'apport en énergie doit venir de l'électricité, les 30% restants sont en effet constitués de déchets bois - rebuts de scieries, meubles jetés, vignes arrachées, résidus de haies - mais aussi de bois énergie, c'est-à-dire de coupes.
- "Visions du monde" -
"On sait bien que la ressource n'est pas extensible et on doit démontrer notre exploitation durable des forêts", admet Benoit Decourt, pour qui les filières d'approvisionnement doivent encore se structurer.
Depuis 2022, un schéma régional biomasse, copiloté par l'État et la région Nouvelle Aquitaine, encadre l'utilisation de la biomasse pour la production d'énergies renouvelables.
"Dans le grand Sud-Ouest, on compte actuellement une douzaine de projets biomasse, soit un besoin de trois millions de mètres cubes de bois. C'est l'équivalent de la forêt de Fontainebleau qu'on raserait tous les ans. Il n'y a pas assez de bois pour satisfaire tous les projets, en plus des besoins actuels", assène Jacques Descargues.
Il dénonce une "double erreur d'appréciation" sur l'état des forêts françaises et les besoins en biocarburants: "en 2050, le trafic aérien aura doublé, mais restera-t-il de la forêt ?".
Face aux critiques, Elyse Energy a réajusté certaines de ses prévisions, avec une "baisse de 25% des prélèvements en eau" et une "diversification des sources d'approvisionnement en biomasse", précise son dirigeant, regrettant que ces réponses ne soient "pas prises en compte" par les associations.
Pour Benoît Decourt, le projet E-CHO, poussé par les élus et acteurs économiques locaux, "est une digue (...) qui permet de juger la capacité à installer de l'industrie sur ce territoire".
Parmi les opposants, Didier Riché, ancien directeur de l'aéroport de Biarritz où des opposants ont manifesté mi-avril, prône plutôt une "décroissance" de l'aviation car "seule une baisse significative du transport aérien", selon lui, "peut permettre une réelle décarbonation".
"Il est évident que les biocarburants sont une partie de la solution pour l'aviation mais pour suivre le rythme, il faudra disposer en 2050 de l'équivalent en bio-kérosène des énergies fossiles qu'on utilise aujourd'hui. C'est absolument délirant et même effrayant pour la forêt", souffle-t-il en opposant "deux visions du monde".