"C'est une question de budget": à Dijon, plusieurs centaines de clients se sont rués jeudi dans la nouvelle boutique éphémère de la plateforme asiatique controversée Shein, opposant l'avantage de prix "trois fois moins chers" aux critiques sur l'ultra fast fashion.
"Je cherche à faire une bonne affaire", dit Chayma Benamar, 18 ans, qui attend patiemment dans une queue de près de 200 personnes formée dès avant l'ouverture, à 10h00, de la dernière boutique éphémère de la plateforme Shein.
Ces "pop-up store événements" - comme les nomme le groupe de Singapour dans une opération de communication bien huilée -, se pratiquent déjà depuis 2022.
Mais, après Paris, Lille et Marseille, la marque a voulu "aller à la rencontre de ses clients" qui vivent à 95% hors de ces grandes villes, explique à l'AFP le porte-parole de Shein, Quentin Ruffat.
Pendant 9 jours, la marque va "proposer une expérience immersive à ses clients autour d'un message fort: la mode doit être accessible à toutes et tous", vante Shein.
"Oui, c'est un bon prix", confirme Chayma, déjà cliente de la plateforme. "C'est pas toujours de la qualité mais on a le prix", ajoute-t-elle, avant d'assurer: "je ne le ferais pas si j'avais plus d'argent".
Avec ses millions de produits importés de pays à bas coût de main-d'oeuvre, notamment de Chine, Shein est accusée par ses détracteurs de contribuer à la mode ultra éphémère, destructrice de la planète et d'emplois en France, à tel point qu'une proposition de "loi anti-Shein" vient d'être adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Le texte doit encore être avalisé à l'automne lors d'un accord députés-sénateurs. Il instaure notamment une taxe sur les petits colis importés dans l'Union européenne, comprise entre deux et quatre euros.
- "Je préfèrerais acheter français"-
Le texte est "louable", répond Shein, car l'industrie textile représente "10% des émissions de gaz à effet de serre" mais il faut une loi "collective" et non une "loi anti-Shein", estime le porte-parole de Shein. Il rappelle que le groupe ne représente que "7% des ventes de vêtements en France".
Selon une étude Ifop datant de février 2025 et souvent citée par Shein, six Français sur 10 consacrent moins de 200 euros par an à l'achat de vêtements neufs. "On répond à ces besoins", juge M. Ruffat.
"Les produits français, c'est hors de prix. Ici, je viens avant tout pour le prix", se justifie Léa, 26 ans, pressée de se ruer sur les portants de la petite boutique dijonnaise de 250 m2, bondée.
Les tarifs de Shein battent "même les soldes" de 40 à 50% affichées juste à côté, assure-t-elle.
"Oui, je préfèrerais acheter français, de loin", confesse Colette Raydellet qui, du haut de ses 79 ans, est une des rares clientes dépassant la trentaine.
"Mais c'est une question de budget: c'est trois fois moins cher ici et je n'ai pas une grosse retraite", s'excuse la septuagénaire.
Selon Shein, qui a mis en place un système d'inscription à l'entrée dans la boutique dijonnaise, l'ensemble des créneaux disponibles pour la journée de jeudi, soit environ 1.600 clients, ont été réservés.
L'ouverture de la boutique n'a pas manqué de susciter la polémique. La branche locale de l'association de consommateurs et usagers CLCV (consommation, logement, cadre de vie) a "dénoncé" le pop-up store.
"Derrière ses prix ultra-compétitifs et son marketing ciblant les jeunes consommateurs, Shein incarne un modèle économique incompatible avec les enjeux actuels de consommation responsable, de respect des droits humains et de préservation de l'environnement", écrit l'association dans un communiqué.
Cette poussée de la mode ultra express, de la hausse des coûts de fabrication et des achats en ligne a contribué aux difficultés de nombreuses chaînes hexagonales qui ont mis la clé sous la porte ou été placées en redressement judiciaire. Parmi elles, Camaïeu, Kookaï, Princess Tam Tam, Comptoir des Cotonniers, Naf Naf ou encore Jennyfer.