Des barrages levés, mais une promesse de poursuivre la mobilisation samedi: les syndicats agricoles jugent insuffisant le chapelet d'aides et de mesures de simplification annoncées par Gabriel Attal pour mettre fin à la colère des agriculteurs.
Autoroutes bloquées, préfectures aspergées de lisier et bâtiments incendiés à Narbonne et à Nîmes... Pour tenter d'éteindre la révolte montée de campagnes où beaucoup ne parviennent plus à vivre de leur métier, le Premier ministre a dévoilé des mesures d'urgence en Occitanie, berceau de la contestation.
Il a accédé à quelques-unes des demandes les plus pressantes des manifestants entre l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR), des indemnités gonflées pour les éleveurs touchés par la maladie des bovins MHE, des sanctions lourdes contre trois industriels de l'agro-alimentaire ne respectant pas les lois Egalim sur les prix. Autant de "preuves d'amour" selon lui.
"On ne vous lâchera pas. Je ne vous lâcherai pas", a-t-il lancé depuis une exploitation bovine de Montastruc-de-Salies (Haute-Garonne), disant avoir "décidé de mettre l'agriculture au-dessus de tout".
De quoi satisfaire l'éleveur occitan Jérôme Bayle, initiateur du premier blocage sur l'A64 qui, au côté du Premier ministre, a annoncé sur le barrage de Carbonne (Haute-Garonne) que celui-ci serait levé d'ici samedi midi.
Mais pas la FNSEA qui, en duo avec les Jeunes agriculteurs, est le syndicat majoritaire de la profession, ni la Coordination rurale ou la Confédération paysanne.
"Ce qui a été dit ce soir ne calme pas la colère, il faut aller plus loin", a affirmé vendredi le président de la FNSEA Arnaud Rousseau sur TF1, jugeant les mesures "trop justes".
Sur les points de blocage mis en place par les tracteurs sur les autoroutes et grands axes, "il va y avoir des roulements (...), certains vont arrêter pour se reposer, d'autres vont poursuivre", a-t-il prédit, tout en proposant "d'aller à (la) rencontre" du Premier ministre dès samedi matin.
Sur le terrain, le barrage sur l'autoroute A10 au péage de Saint-Arnoult, à l'ouest de Paris, devait ainsi être levé, mais celui situé au sud de Bourges était maintenu.
- "Des mesurettes" -
"Nous sommes prêts pour la nuit et attendons lundi les applications concrètes dans le Cher", a expliqué un porte-parole des Jeunes agriculteurs du département.
Et si le blocage de la RN145 dans la Creuse doit être levé samedi à la mi-journée, le compte n'y est pas pour Christian Arvis, président de la FDSEA du département.
"Les annonces de Gabriel Attal sont une honte. Un ministre qui se permet de rire en faisant des annonces, ça veut dire qu'il ne mesure pas le cataclysme qui est en train de s'opérer dans les campagnes. Ses annonces, c'est du pipeau, des mesurettes. Il n'y a rien de concret", a-t-il tancé.
Partout à travers la France, première puissance agricole de l'Union européenne, s'est exprimé un mélange de passion et de désespoir, les cortèges exhibant ici un pendu de paille, là affichant le slogan "Enfant on en rêve, adulte on en crève".
"A son époque, mon grand-père vivait avec quatre hectares de pruniers et dix vaches, aujourd'hui il faut 120 vaches pour vivre, il faut 60 hectares de pruniers", a raconté à l'AFP Théo Artillan, 20 ans, venu de Temple-sur-Lot (Lot-et-Garonne). Il n'a "plus envie de s'installer".
La mobilisation a été endeuillée mardi par la mort accidentelle d'une agricultrice et de sa fille sur un barrage à Pamiers (Ariège).
A Matignon, l'accueil des mesures est scruté avec attention. "Il faut voir comment évolue la situation au cours du week-end", observe-t-on dans l'entourage de Gabriel Attal.
Le Premier ministre "a apporté une série de réponses immédiates à une situation de crise et mis sur la table un programme de travail précis qui va permettre de continuer à apporter un certain nombre de mesures d'ici le Salon de l'agriculture" fin février, promet-on de même source.
Alors que le vote des agriculteurs est un enjeu des élections européennes, les responsables politiques n'ont pas manqué de dénoncer la réponse du gouvernement.
Des mesures "à court terme" qui "ne répondent ni aux enjeux ni aux attentes", a dénoncé la leader RN Marine Le Pen.
"L'opération de com' +botte de foin+ du Premier ministre pour transformer des mesurettes en solutions miracles pour lever les barrages n'a manifestement pas fonctionné", a de son côté ironisé sur X le président LFI de la commission des Finances à l'Assemblée Eric Coquerel.
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