Un Samu social agricole au chevet de paysans au bout du rouleau

Avec des moyens modestes mais une détermination de fer, le Samu social agricole tente de se dresser face à la précarité du monde paysan, s'opposant aux grands groupes et syndicats de l'industrie agroalimentaire.

Michel Bini, co-fondateur de l'association, évoque avec rage ce départ en catastrophe pour la Manche, à quelque 700 km de son domicile dans le Gers. Direction la ferme d'un éleveur normand au bout du rouleau.

Une brique de lait pour sa mère et lui pour le week-end, un père hospitalisé en situation de malnutrition, pas d'eau courante ni de sanitaires et 75 bovins morts sans explication en trois ans: Michel Bini y a trouvé une détresse extrême qu'il ne connaît que trop.

Lui-même, éleveur bovin, a tenté de mettre fin à ses jours, il y a 20 ans. "La MSA (Mutualité sociale agricole, NDLR) m'a tout pris en un jour, j'ai pris tous les médicaments qui passaient", raconte-t-il.

Depuis, au sein du Samu social agricole national (SSAN), le Gersois de 62 ans, n'hésite pas à s'éclipser de la ferme pour arpenter les routes de France et venir en aide aux agriculteurs en difficulté. "C'est un juste retour, d'oeuvrer pour tout ceux dans le besoin", affirme-t-il.

- "Rendement à tout prix" -

Parmi eux, Emmanuel Vives, un éleveur installé depuis 1998 à Gondrin, dans le Gers. D'abord des veaux, puis des canards, destinés à la production de foie gras.

"Heureusement que je les ai", souffle le paysan de 70 ans, contraint de prendre sa retraite en 2021 en raison de difficultés financières.

"J'aurais bien continué encore, mais on ne gagnait plus rien", regrette-t-il, estimant ses pertes à 15.000 euros par an depuis trois ans.

"Le canard s'est trop vite développé, c'est le rendement à tout prix qui a tout tué!" décrit-il, au milieu de ses cages à volailles, achetées il y a un an pour 180.000 euros.

Les canards arrivaient malades, amaigris au point de passer entre les barreaux des cages flambant neuves. "Certains étaient quasiment morts à la livraison!", s'emporte-t-il.

Empêtré dans un conflit juridique encore en cours avec le groupe agroalimentaire qui le fournissait, M. Vives a préféré jeter l'éponge. "Ca ne rapporte pas! J'aurais pu revendre les cages, mais avec la grippe aviaire, elles sont invendables."

Appui juridique, soutien moral, le septuagénaire souligne le rôle salvateur du Samu social agricole, qui s'oppose "au modèle des fermes-cathédrales, notamment en Bretagne", selon Michel Bini.

Pour l'association qui regroupe environ 500 adhérents, les grands groupes agroalimentaires et les syndicats agricoles majoritaires sont à la racine de la précarité paysanne.

"Ils tolèrent qu'on soit mis en pâture sur le marché mondial", déplore cet éleveur bovin, qui n'hésite pas à s'attaquer frontalement à la FNSEA et à sa patronne, Christiane Lambert. Le SSAN a même pris part à une mobilisation devant le domicile de la dirigeante, à la mi-mars.

- "Vieux grognards" -

"On est une bande de vieux grognards combatifs, avec de l'expérience, on n'a pas peur de critiquer les syndicats, les industriels, tous ceux qui sont responsables de la situation des paysans", explique Alain Deguine.

Ce berger itinérant s'est rapproché du Samu social agricole après un burn-out en 2019 qui lui a valu de passer un mois à l'hôpital d'Auch.

Depuis, l'éleveur de 59 ans, membre actif du SSAN, dit aller mieux. Il emmène ses brebis, ses agneaux et ses chèvres de pâturage en pâturage, mais doit se contenter de peu pour vivre.

"Je touche 350 euros par mois, ainsi que le RSA et la CMU. On devrait pouvoir vivre de notre métier, sans aides", estime-t-il.

"Avec mes bêtes, je fais dans le bien-être animal, mais je voudrais aussi qu'on ait du bien-être paysan", ajoute-t-il avant de prendre la route pour amener ses bêtes jusqu'à Condom (Gers).

"Le Samu social agricole nous fournit une aide combative, qui permet à certains d'éviter de prendre la corde" assure-t-il.

Une vision confirmée par Michel Bini: "Les adhésions pleuvent. Si les gens viennent chez nous, c'est qu'ils n'ont plus rien ailleurs."

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