Une étude affirmant que les preuves de la crise climatique font défaut a été publiée en janvier dans une revue du prestigieux groupe Springer Nature, au grand dam de climatologues réputés interrogés par l'AFP, certains allant jusqu'à demander son retrait.
"Sur la base des données d'observation, la crise climatique que nous vivons aujourd'hui, selon de nombreuses sources, n'est pas manifeste", lit-on dans le résumé de cette étude de 20 pages, publiée en janvier 2022 dans The European Physical Journal Plus.
L'étude, relayée récemment des milliers de fois sur les réseaux sociaux et citée par plusieurs médias grand public, comme Sky News Australia, se présente comme une analyse des données sur de possibles changements dans la fréquence ou l'intensité des phénomènes météorologiques extrêmes -- précipitations, cyclones, tornades, sécheresses...
Quatre éminents climatologues contactés par l'AFP ont tous déclaré que l'étude manipulait les données, sélectionnant certains faits à dessein et ignorant ceux qui contredisent sa thèse.
"L'article donne l'impression d'avoir été écrit précisément pour démontrer qu'il n'y a pas de crise climatique, plutôt que pour présenter une étude objective, complète et actualisée", a déclaré Richard Betts, responsable de la recherche sur les impacts climatiques au Met Office, le service météo britannique.
Les auteurs, quatre scientifiques italiens, ne tiennent pas compte du sixième rapport du Giec, publié quelques mois avant la soumission de leur étude, a relevé M. Betts. Le Giec conclut que les preuves d'un changement climatique d'origine humaine se "sont renforcées" depuis le rapport précédent en 2014.
Pour Friederike Otto, climatologue du Grantham Institute, "ils écrivent cet article en toute mauvaise foi". "Ils n'ont même pas de chapitre sur les canicules, pour lesquelles les tendances observées sont tellement évidentes", a-t-elle ajouté.
"Nous ne pouvons pas faire de commentaire pour le moment", s'est limité à répondre Springer Nature à l'AFP, qui l'interrogeait sur la manière dont une telle étude a pu être publiée dans une revue à comité de lecture.
L'auteur principal, Gianluca Alimonti, est un physicien d'un institut de physique nucléaire. Ses trois co-auteurs sont Luigi Mariani, un météorologue agricole, et les physiciens Franco Prodi et Renato Angelo Ricci.
Ils "ne travaillent pas en climatologie" et "de toute évidence ne connaissent pas le sujet et les données pertinentes", a déclaré Stefan Rahmstorf, un des responsables de l'Institut de recherche sur l'impact du climat de Potsdam.
L'étude "n'est pas publiée dans une revue climatique -- c'est une voie courante empruntée par les +climato-sceptiques+ pour éviter d'affronter l'examen de véritables experts du domaine", a-t-il ajouté.
Les quatre climatologues interrogés par l'AFP estiment que l'étude n'aurait jamais dû être publiée, et deux d'entre eux ont demandé qu'elle soit retirée.
Pour Peter Cox, professeur à l'Université d'Exeter, l'étude "n'est pas bonne sur le plan scientifique", mais il craint que le retrait "entraîne une publicité supplémentaire et puisse être présenté comme une censure".