Un an après les "gilets jaunes", rien n'est plus comme avant pour Macron

"Pourquoi vous nous massacrez? On était heureux avant, on est malheureux maintenant": le 7 novembre 2018, Josyane, une retraitée, interpelle vivement Emmanuel Macron, lui donnant un avant-goût de la crise des "gilets jaunes" qui allait bouleverser son quinquennat.

"Non, je ne vous massacre pas!", tente de répondre le chef de l'Etat à l'habitante de Charleville-Mézières, où il fait étape au milieu de sa longue tournée dans le nord-est pour célébrer le centenaire de la fin de la Première guerre mondiale.

Un passant l'avertit alors: "Attendez le 17 (novembre), vous allez voir!". Dix jours plus tard, l'exécutif était obligé de constater le succès des premières manifestations des "gilets jaunes". Débutait ainsi une crise sociale inédite qui allait entraîner des semaines de flottement au plus haut niveau de l'Etat.

Un an après, Emmanuel Macron a surmonté la tempête et s'apprête à ouvrir la deuxième partie de son quinquennat en gardant "l'énergie vitale" de "transformer le pays". Mais avec "plus de patience et d'écoute", a-t-il assuré lundi sur RTL.

Car il reconnaît avoir été "profondément marqué" par le "moment de spasmes très forts" qu'a représenté le mouvement des "gilets jaunes".

Au plus fort de la crise, en décembre, le chef de l'Etat était de fait apparu sonné par la violence du rejet de sa personne, symbolisé par les "Macron démission" repris en coeur dans les rassemblements ou les huées de manifestants furieux coursant son convoi lors d'une visite au Puy-en-Velay.

Auparavant, Emmanuel Macron "pensait qu'en étant jupitérien il pouvait imposer ses réformes", souligne le politologue Jean Garrigues. Cette crise "lui a fait comprendre que l'hostilité exprimée par une majorité des Français lui imposait une autre méthode", basée sur "la recherche du dialogue avec les citoyens mais aussi les corps intermédiaires". "La prise en compte du ressenti collectif a été quelque chose de nouveau" chez ce jeune président novice en politique, estime l'expert.

"D'une certaine façon, les gilets jaunes ont été très bons pour moi (...) parce que cela m'a rappelé comment je devais être", a reconnu Emmanuel Macron dans un entretien à l'hebdomadaire américain Time.

- "Aller au bout" -

Le changement de méthode va être symbolisé par le "grand débat national", une initiative que le président impose malgré le scepticisme de certains de ses proches.

Les premiers mois de l'année le verront se rendre de la Normandie à la Corse pour 14 débats d'une centaine d'heures au total au cours desquels, debout et en bras de chemise, il tentera de "retisser le lien avec les Français".

"J'ai entendu, compris, senti dans ma chair ce qu'ils vivent", résume-t-il en tirant le bilan de cette expérience inédite le 25 avril.

Depuis, le discours d'Emmanuel Macron "est plus lisse, plus intelligible, plus quotidien", afin de tenter de gommer l'image de "président urbain et élitiste", explique Philippe Moreau-Chevrolet, spécialiste de la communication politique. "Il ne sera jamais Jacques Chirac mais il essaie".

Une majorité de Français restent cependant dubitatifs, doutant de sa capacité à changer, selon plusieurs sondages. Son image n'a pas évolué "pour 65% d'entre eux" car "les perceptions initiales d'une présidence sont quasiment impossibles à contrebalancer", explique Jean Garrigues.

Mais, souligne-t-il, avoir "retrouvé dans les sondages les niveaux d'avant la crise des gilets jaunes est déjà une performance", lui permettant d'envisager avec sérénité les prochaines échéances électorales, notamment la présidentielle de 2022.

Il a pour cela la chance de n'avoir aucun grand rival qui se dégage à gauche comme à droite pour l'instant. Si cela persiste, "obtenir 20-25% au premier tour de la présidentielle est faisable" et devrait être suffisant pour gagner face à Marine Le Pen car "les Français continuent à avoir peur du Rassemblement national", avance Philippe Moreau-Chevrolet.

D'ici là, l'exécutif va tout faire pour ne pas rallumer les braises des "gilets jaunes". En témoigne l'extrême prudence avec laquelle est mise en oeuvre la réforme potentiellement explosive des retraites.

Mais il est prévenu: 43% des Français interrogés par un récent sondage Odoxa estiment que le mouvement des "gilets jaunes" marque seulement une pause, alors que 33% le voient se poursuivre.

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