Un an après le désastre de la Bérarde, une vallée dans l'expectative

Juché sur son vélo profilé, Michael Hansen ne peut retenir ses larmes: ce touriste danois découvre les ravages laissés, il y a un an, par une immense coulée de pierres sur le hameau de La Bérarde, l'ancienne "Mecque des alpinistes".

"Ce n'est pas la guerre mais ça y ressemble", lâche le cycliste dans un anglais heurté, désignant le paysage chamboulé, méconnaissable par rapport à celui qu'il fréquentait chaque été depuis 30 ans.

En contrebas l'ancien village de carte postale à 1.700 m d'altitude, bijou du massif des Ecrins, est toujours à moitié enseveli et interdit d'accès.

Le Vénéon et les Etançons, deux vigoureux torrents aux tons de bleu laiteux, filent rapides sous le soleil. Ce sont eux qui, gonflés par une "concomitance" inédite de facteurs, fortes pluies et vidange brutale d'un lac apparu sur un glacier en amont, ont tout détruit sur leur passage les 20-21 juin 2024.

"Peut-être que c'est un signe, vous savez, que nous devrions mieux nous conduire, ne pas être si égoïstes et avoir plus de respect pour cette belle nature...", se désole Michael avant de redescendre nez au vent vers la vallée.

- Lac glaciaire -

Un an après le désastre, qui n'avait pas fait de victimes, la centaine de personnes présentes sur place ayant pu être évacuée in extremis par hélicoptères, la vallée du Vénéon, située à une cinquantaine de km à vol d'oiseau de Grenoble, est loin d'avoir retrouvé sa sérénité.

"Je sature", confie Jean-Louis Arthaud, le maire de Saint-Christophe-en-Oisans, commune qui englobe la plus grande partie de la vallée, dont la Bérarde.

Avec la chaleur, le lac glaciaire est réapparu ces derniers jours. Désormais bardé de capteurs et d'appareils pour "écouter les bruits du glacier", il a été jugé suffisamment menaçant pour que l'accès à la zone soit totalement interdit, au lieu de partiellement comme jusqu'ici.

Mais ce n'est pas le seul problème: la circulation est également restreinte sur une bonne portion finale de la route D530, la colonne vertébrale de la vallée, ce qui suscite l'incompréhension des habitants et décourage touristes et alpinistes aspirant aux plus célèbres cimes du massif, la Barre des Ecrins, la Meije: "aujourd'hui, nos gardiens de refuge ne voient personne", soupire le maire.

Un système de navettes a bien été mis en place, mais ne peut convoyer qu'une centaine de personnes par jour, loin des chiffres habituels (80.000 visiteurs par été).

"On savait très bien, cela m'a été dix fois répété, qu'on n'aurait pas une saison normale. Mais entre une saison normale et rien, il faut trouver le juste équilibre. Aujourd'hui, on n'y est pas, tout simplement", déplore-t-il.

"On est la première vallée des Alpes françaises à avoir subi un événement de cette ampleur": mais alors que le département de l'Isère a lancé une étude sur l'avenir des routes de montagne, "je ne veux pas que ça devienne la première vallée à être interdite dans les Alpes", poursuit-il.

- "Osmose avec la vallée" -

Carine Magne, gardienne du petit refuge de l'Alpe du Pin, se veut pour sa part confiante malgré les incertitudes: "forcément, il y a des impacts des événements de l'année dernière, ce n'est pas une liberté de circulation et d'accès parfait".

Mais "plus il y aura de gens qui vont demander à venir dans la vallée, plus il y aura, j'espère, de facilités de circulation, de navettes", veut-elle croire, entourée des moutons de son compagnon berger.

Pour Marie-Claude Turc, de l'hôtel La Cordée à Saint-Christophe-en-Oisans, les événements peuvent offrir une opportunité de "se remettre en question".

Evoquant les "nouvelles façons de pratiquer la montagne", avec de plus en plus de cyclistes qui montent avec leurs skis ou corde d'escalade sur le dos, elle se prend à rêver d'une clientèle "plus en osmose avec la vallée".

"Je pense qu'il y a moyen de faire quelque chose de beau et de très intéressant à la Bérarde", estime-t-elle.