A Troyes, la simplification des démarches des aides sociales expérimentée

"C'est plus facile et plus rapide". Dans la Caisse d'Allocations familiales de Troyes (Aube), des allocataires du RSA et de la prime d'activité expérimentent la "Solidarité à la source", que le gouvernement veut généraliser en mars à toute la France.

Promise lors de la campagne de 2022 par le candidat Emmanuel Macron, ce dispositif vise à assurer un versement "juste" des prestations, réduire le non recours aux aides sociales et pourra faciliter la lutte contre la fraude.

La future généralisation va simplifier drastiquement les démarches administratives des 6,3 millions d'allocataires du RSA et de la prime d'activité: la déclaration de ressources qu'il doivent remplir chaque trimestre sera préremplie, comme c'est le cas pour les déclarations d'impôt.

"Avant c'était à nous de remplir les chiffres, maintenant il n'y a plus qu'à vérifier et valider", explique Mariame, 44 ans, mère de 6 enfants, venue se faire expliquer le processus à la CAF de Troyes, dans l'Aube.

Il s'agit - avec la Vendée, les Alpes-Maritimes, l'Hérault, les Pyrénées Atlantiques - de l'un des cinq départements où ce gros chantier technique et administratif est expérimenté depuis octobre sur 374.000 bénéficiaires au total.

Jusqu'à présent, la CAF demande aux bénéficaires de déclarer eux-mêmes chaque trimestre leurs revenus, qu'elle vérifie un an après grâce aux données fiscales, rappelle Nicolas Grivel, directeur général de la CNAF, à des journalistes.

Mais ces déclarations génèrent chaque année des versements indus pour la moitié des bénéficiaires.

La Cnaf fait ainsi état de 25% de versements indus sur les 11,4 mds versés à 1,9 millions d'allocataires du RSA et de 17% d'indus sur les 9,6 mds versés à 4,5 millions de bénéficiaires de la Prime d'activité.

Sans modifier les conditions d'attribution des aides, la réforme simplifie la démarche pour éviter les erreurs (un acompte non reporté, des revenus d'enfants majeurs non déclarés...)

A Troyes, les bénéficiaires ont reçu des courriels, des courriers, voire des SMS pour les préparer au changement. Des employés guident les allocataires, comme Massita D., qui est revenue trois fois. "J'ai cru que ça réduirait mes droits. Ca n'a rien changé", conclut-elle, rassurée.

- "Plus facile et rapide" -

Un conseiller montre à Mariame K. la déclaration de ressources de son foyer préremplie. Plus besoin de remplir les lignes correspondant aux salaire, allocations chômage, pensions, remplies par l'employeur ou France Travail.

Karine V. a deux employeurs, dont l'un paie en deux fois, en fin de mois et le mois suivant. "Avant, c'était compliqué de savoir quoi déclarer, j'ai même eu un trop payé à rembourser pour la prime d'activité. Mais maintenant plus de problème, c'est automatique".

En cas d'erreur sur le montant pré-rempli, l'allocataire peut le corriger et produire une pièce justificative, qui sera vérifiée.

Lors de l'expérimentation dans l'Aube, 98% des données transmises correspondaient aux revenus réels, 94% des allocataires ont validé sans problème et 6% ont demandé une modification qui dans 9 cas sur 10 n'était pas justifié, explique Olivier Suzanne, directeur de la Caf de Troyes.

"C'est une réforme de simplification de la vie des bénéficiaires et de gestion des services publics. Les versements indus entraînent des plans de récupération étalés sur plusieurs mois, mais qui peuvent être très douloureux pour les allocataires, qui ont déjà dépensé l'argent", explique M. Grivel.

Ndeye M. avait renoncé à demandé la prime d'activité après avoir subi un indu. Avec le nouveau système, "c'est plus facile et plus rapide", estime-t-elle.

Le nouveau dispositif est "plus sécurisant pour les agents, ce n'est jamais agréable d'adresser une notification de dette six mois après", juge Stéphane T., employé de la Caf de Troyes.

L'automatisation des déclarations de ressources va laisser aux employés des Caf plus de temps pour anticiper les difficultés et appeler les gens avant que leurs droits s'interrompent, mieux les accompagner, "ce qu'on ne fait pas assez", relève M. Grivel.

"Nous pourrons consacrer plus de temps à aller vers ceux qui n'ont pas recours aux aides ou à lutter contre la fraude", explique M. Suzanne.