Quatre-vingt-quatre paires de chaussures, neuf souris d'ordinateur... Les Français cumulent des tonnes d'objets dans leurs placards, souvent inutilisés. Des familles ont relevé le défi de faire un tri radical, pour apprendre à consommer moins et mieux.
L'Agence de la transition écologique (Ademe) a accompagné 21 foyers pendant sept mois pour désencombrer leur logement, via l'opération "osez changer". Accompagnés par des professionnels du rangement, ces familles -avec ou sans enfant, vivant en ville comme à la campagne- ont fait l'inventaire de leurs biens. Ils les ont triés pour donner ou vendre le superflu, apprenant ainsi à lutter contre le gaspillage et à vivre plus sobrement.
Florence Emanuelli s'est lancée dans l'aventure avec son mari et ses deux enfants, dans leur appartement à Bordeaux. "Nous étions déjà dans une démarche pour réduire notre impact environnemental", mais "je ne m'étais jamais posé la question de l'encombrement", raconte-t-elle à l'AFP.
Dans leur appartement d'environ 100 m2 sans cave, ils ont répertorié 1.500 objets. "On est retombé à 700", avec un sentiment "de vrai bien-être" , témoigne-t-elle. Outre un gain de place important, "la gestion d'une maison ou d'un appartement est facilitée, on s'allège mentalement", assure-t-elle.
"La consommation symbolise nos modes de vie et ce sont bien nos modes de vie qu'il va falloir faire évoluer" pour réussir la transition écologique, souligne Pierre Galio, chef du service consommation responsable à l'Ademe. "Rien de mieux que de rentrer dans les foyers pour comprendre nos liens aux objets et la façon de consommer".
Selon l'Ademe, 2,5 tonnes d'objets en moyenne sont cumulés dans chaque logement, ce qui correspond à 45 tonnes de matières pour les fabriquer. Entre 54 et 110 millions de smartphones dorment dans des tiroirs. Les Français estiment posséder 34 appareils électroniques et électriques par foyer quand ils en ont en moyenne 99. Idem pour les chaussures: les adultes en possèdent deux fois plus qu'estimé.
- Changements durables -
"Nous ne nous rendons pas toujours compte d'être dans une consommation effrénée ou en tout cas supérieure à nos besoin", constate Pierre Galio. Ce programme visait à "revenir à la question fondamentale: de quoi ai-je réellement besoin pour éviter cette accumulation et comment reprendre une maîtrise de ma consommation", explique-t-il.
Épaulée par une professionnelle de l'organisation rémunérée par l'Ademe, la famille bordelaise a délimité une zone par pièce où ils devaient poser une catégorie d'objets (vêtements, mobilier, jeux et jouets, bricolage, équipements sportifs, objets électriques) et les compter.
"L'exercice le plus marquant est quand il faut évaluer le nombre de ses chaussures", relate Florence Emanuelli.
En moyenne, les familles se sont séparées de 31% de leurs objets en les donnant, les vendant et les recyclant. "La mise à la poubelle n'a finalement été qu'exceptionnelle", selon l'Ademe.
"Ce qui nous a surpris, c'est que le plus compliqué a été de savoir comment évacuer ces objets", raconte Florence Emanuelli. La famille a privilégié des associations locales pour le don de vêtements, ceux de valeur étant vendus dans des dépôts vente ou sur le site internet Vinted, a découvert des applis pour des dons (Geev) et apporté des affaires à la déchetterie.
Le manque de connaissance des solutions existantes pour donner ou recycler ses objets a été soulevé par d'autres familles, relève Pierre Galio.
L'Ademe a mis en place un tutoriel sur internet pour guider d'autres foyers (https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/5271-comment-faire-de-la-place-chez-soi--9791029719028.html).
Pour toucher un plus grand nombre, "il faudrait des émissions de télévision grand public", suggère Florence Emanuelli.
"Nous sommes dans un système économique où l'offre prédomine, avec son bras armé, la publicité", constate Pierre Galio. "Il faudrait conserver plus longtemps les équipements, une économie axée plus sur les services et la réparation avec des emplois locaux", consommer moins mais mieux et éviter d'acheter neuf.
Si la démarche a parfois été fastidieuse et chronophage, elle "nous a vraiment transformés", assure Florence Emanuelli. "J'achète moins, de seconde main. Ce sont des choses qui vont perdurer".