Transports publics et mobilités douces: la crainte des coupes budgétaires

Création des RER métropolitains, développement des transports publics, construction d'infrastructures cyclables... La décarbonation des transports nécessite des investissements colossaux à l'heure où les coupes budgétaires menacent de freiner l'allant d'un secteur qui réclame plus de soutien et de leviers financiers pour se développer.

"Si nous ne sommes pas au rendez-vous, notamment de la crise budgétaire du pays, les problèmes seront encore plus monstrueux l'an prochain", a prévenu le ministre délégué aux Transports François Durovray, invité à s'exprimer lors de la European Mobility Expo organisée à Strasbourg devant de nombreux acteurs de la mobilité en France.

"Il faut avoir cette capacité aujourd'hui à faire des efforts, ce n'est pas facile et ça concerne mon secteur comme l'ensemble des secteurs", a-t-il ajouté.

Premier signe de ces coups de rabot, le budget de l'Agence de financement des infrastructures de France (Afit France), dont les crédits sont majoritairement alloués au ferroviaire et aux transports publics, devrait être amputé de 770 millions d'euros l'an prochain, selon la lettre plafond du ministère des Transports.

Les acteurs du transport public s'inquiètent aussi des coupes dans le budget de l'Ademe (Agence de la transition écologique), tandis que les opérateurs doivent investir des sommes colossales pour verdir leurs flottes de bus. Un bus électrique coûte deux fois plus (500.000 euros environ) qu'un bus diesel.

- Financement des Serm -

L'Union des transports publics et ferroviaires (UTPF) propose de flécher 250 millions d'euros (sur 2 milliards) tirés des crédits carbone (ETS) payés par le transport aérien et routier, pour soutenir les transports publics.

"Les efforts que l'Etat pourra faire, et qui ne sont pas actés au moment où on se parle, doivent être au service d'une ambition forte de création de l'offre", a pour sa part insisté François Durovray.

Si aide il y a, ce sera pour permettre de développer l'offre de transports publics et non pour offrir un service moins cher, voire gratuit.

Grand projet de mobilité du second quinquennat d'Emmanuel Macron, les Services express régionaux métropolitains (Serm, souvent appelés RER métropolitains), attendent eux toujours leur conférence de financement, qui devait avoir lieu avant le 30 juin.

M. Durovray a indiqué préférer attendre la fin des débats budgétaires pour la tenue de cette conférence, qui ne devrait pas avoir lieu avant le début 2025 d'après lui.

Soupçonné de vouloir développer des services de cars express au détriment du ferroviaire - il a rédigé un rapport pour la région Ile-de-France sur le sujet -, celui qui préside aussi le Conseil départemental de l'Essonne a rassuré en promettant d'"accompagner les projets de Serm et de Serm ferroviaires".

Au total, 24 projets labellisés par son ministère attendent toujours de connaître les modalités de financement.

- Plan vélo menacé -

L'ambiance était plus tendue du côté Club des villes et territoires cyclables et marchables, qui réunit environ 300 collectivités.

Alors que le plan vélo et marche présenté par Elisabeth Borne prévoyait d'allouer 250 millions d'euros par an entre 2023 et 2027 pour aider au développement d'infrastructures cyclables et piétonnes, rien n'a été versé cette année aux 400 projets candidats.

"A minima, nous aurons une année blanche", déplore Françoise Rossignol, la présidente du Club, qui craint tout bonnement la non-reconduction du dispositif l'année prochaine.

"Ce serait une erreur politique majeure" de l'abandonner subitement, dénonce-t-elle alors que des maires se sont engagés et "ont pris des risques politiques pour faire voter des schémas cyclables" en comptant sur ces financements.

"Les territoires abandonnés se sentiraient encore plus relégués", affirme l'élue de la communauté urbaine d'Arras, se disant "en colère". "Le ministre ne conteste pas ce qu'on dit mais tout ça dépend d'arbitrages qui le dépassent", craint-elle.