Titrée lors de la Diagonale des fous à la Réunion l'automne dernier et récente deuxième de la Hardrock 100 aux Etats-Unis, la traileuse Manon Bohard semble être entrée dans une nouvelle dimension mais a dû apprendre à ralentir après un "burn-out sportif et professionnel".
Lundi soir à 23H50, elle prendra le départ des "Traces des Ducs de Savoie" (TDS), une course de 148 km et 9.300 m de dénivelé positif au départ de Courmayeur (Italie), qui lance la semaine de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) autour de Chamonix.
A 33 ans, la traileuse au petit gabarit fait partie des favorites pour l'emporter. Lauréate de la célèbre Diagonale des fous en octobre 2024 (un des quatre Monuments de l'ultra-trail avec 175 km et 10.500 m de dénivelé positif à la Réunion), elle a enchaîné en 2025 avec plusieurs victoires jusqu'à prendre la deuxième place de la Hardrock aux Etats-Unis, un autre monument de "100 miles".
"Je n'ai pas l'impression d'avoir changé de dimension, je vois plutôt ma progression comme une continuité", assure l'athlète de Besançon, qui a débuté le trail en 2016 en suivant les traces de son père Patrick Bohard, lui aussi auteur de victoires prestigieuses sur les sentiers.
- Ancienne judokate -
Judokate à bon niveau à l'adolescence, Manon Bohard court régulièrement depuis l'enfance même si à l'époque, ce n'était "pas forcément pour les bonnes raisons", souligne-t-elle à l'AFP fin juillet, lors d'un entretien à Saint-Gervais-les-Bains où elle est en stage avec son équipementier.
"Ado, on voyait vraiment la course à pied comme un moyen de se préparer physiquement (au judo) et ça a pu servir, en période de grosses compétitions, à perdre du poids car il fallait entrer dans une certaine catégorie", détaille l'athlète qui a souffert de troubles du comportement alimentaire à l'adolescence.
Après une grosse blessure au poignet qui l'a éloigné définitivement des tatamis, le trail a permis à Manon Bohard, jeune adulte, de "redécouvrir le sport différemment" et de "retrouver une connexion à (son) corps".
Poussée par un groupe d'amis et par son père Patrick Bohard, elle a fini par retrouver la compétition via le trail, d'abord pour le plaisir, puis petit à petit vers la performance.
"Les débuts de mon papa en trail m'ont permis de +switcher+ de sport, d'avoir un rapport plus sain à la course à pied qui ne servait plus à être au bon poids le jour-J sur la balance", explique-t-elle.
- "Burn-out" -
Rapidement, les résultats se sont enchaînés jusqu'à sa première grosse victoire en 2021, déjà sur la TDS. Mais si tout semble aller pour Manon Bohard, "la vérité, c'est que même s'il y a eu la victoire sur la +Diag'+ l'année dernière, 2024 a été rythmé par beaucoup de fatigue et j'ai fait ce qu'on peut appeler un burn-out autant sportif que professionnel", nuance-t-elle.
Car avec des journées rythmées, jusqu'à récemment, entre son travail de diététicienne-nutritionniste à Besançon et sa lourde charge d'entraînement d'athlète, elle s'est épuisée et a terminé ses courses dans des états compliqués, comme à l'UTMB en 2024 où elle a pris une décevante 20e place après un long calvaire, en raison de douleurs survenues à 70 km de l'arrivée.
"Quand on arrive à tout faire, on a envie de continuer. Mais finalement on fait tout moyennement et ça crée beaucoup de frustration. Mon corps était épuisé. Je suis dans un métier où je prône la santé mais je n'arrivais pas à être cohérente par rapport à ça", explique Manon Bohard, qui décide donc au printemps, après "un an et demi" de réflexion, d'arrêter une partie de ses activités professionnelles.
La décision n'est pas facile à prendre pour la traileuse perfectionniste, qui n'aime pas "faire les choses à moitié". Mais trois mois plus tard, elle constate que "tout va déjà mieux".
"Quand on essaie d'avoir des journées de 24 heures ultra-remplies, on ne peut pas se reposer. Là, je vois que mon sommeil est meilleur, je récupère mieux après les entraînements", détaille-t-elle.
"J'ai trouvé une stabilité émotionnelle et une motivation à l'entraînement que j'ai rarement connues. Il n'y a même plus de flemme, c'est tellement agréable !"