Ancien officier de l'armée britannique et visage d'une nouvelle génération de champions d'ultra-trail, Tom Evans a préparé une partie de son succès sur l'UTMB chez lui, au Royaume-Uni... sur "un tapis de course incliné", raconte-t-il dans un entretien à l'AFP.
QUESTION : Comment se sent-on une semaine après avoir parcouru 170 kilomètres et 10.000 mètres de dénivelé positif en moins de 20 heures ?
RÉPONSE : "Plutôt bien ! Je ne suis pas encore de retour au top, mais j'ai couru lundi pour la première fois depuis la course, et c'était vraiment agréable. En général, c'est un jour de récupération par heure de course, donc j'en ai encore pour un petit moment."
Q : Vous avez dominé la course. Avec le recul, de quoi êtes-vous le plus satisfait ?
R : "Je suis particulièrement fier de la préparation. Tout ce que l'on a réussi à construire avec Sophie (Coldwell, sa compagne, triathlète britannique, ndlr) et toute l'équipe pour arriver prêt. Par exemple, le fait d'avoir réussi à s'adapter malgré la naissance de notre fille début mai, la décision de venir à Chamonix deux mois avant la course pour s'entraîner. Et puis, il y a aussi la façon dont j'ai géré le jour J. Je trouve que c'était une course mature, comparable à ma victoire sur la Western States en 2023, où j'ai pu répondre à tous les défis, notamment ceux liés à la météo."
Q : Vous restiez sur deux abandons à l'UTMB. Qu'est-ce qui a fait la différence cette fois ?
R : "Cette année, on avait vraiment axé l'entraînement sur la marche rapide. Quand je ne pouvais plus courir, je savais que j'irais quand même à bonne allure. Et ça s'est vu pendant la course, notamment à La Flégère, où même les spectateurs devaient courir pour me suivre, alors que je marchais. La course à pied avait toujours été ma grande force - je peux courir vite et longtemps sur le plat - mais sur l'UTMB, c'est un bon tiers de marche, c'est une épreuve de montagne avant tout."
Q : Comment développe-t-on cette qualité en montée en résidant en Angleterre ?
R : "C'est vrai qu'il n'y a pas énormément de dénivelé ici. Je m'entraîne beaucoup sur tapis de course. Je mets une inclinaison à 25% et simule des sorties longues à un rythme donné. C'est loin d'être parfait, parfois ennuyeux : il n'y a pas les aspérités d'un sentier, ni les conditions météo. Mais cela prépare la force physique et la technique. Une fois que tu as tout ça, quand tu sors en montagne, tu as déjà les fondations, et il ne reste plus qu'à te perfectionner. Ce n'est clairement pas la seule manière de gagner l'UTMB, mais cela a fonctionné pour moi."
Q: Vous avez aussi évoqué la musique comme un outil d'aide à la performance...
R: "Je l'ai utilisée comme un +boost+ ! J'avais préparé plusieurs playlists en amont pour différents moments de la course. Après les Contamines, une musique calme, de la country américaine, pour rester relax. Pendant la partie la plus difficile de la nuit, une musique plus rythmée, joyeuse: c'était la bande-son de +The Greatest Showman+. Enfin, de Champex à l'arrivée, du rock motivant et du rap pour la dernière ligne droite."
Q : La technologie semble prendre de plus en plus de place à l'UTMB. Est-ce que des coureurs au profil plus montagnard, comme François D'Haene, peuvent encore gagner ?
R : "Absolument ! Le sport a évolué, la manière de courir aussi, mais ces athlètes ont encore les capacités. Prenons Ludo (Pommeret, 50 ans, 6e à l'arrivée) : il reste l'un des meilleurs, il a encore gagné la Hardrock 100 cette année. Ils trouvent toujours une façon de s'adapter. Une année, il peut faire très chaud à l'UTMB ; une autre, le temps peut être exécrable. Cela pourrait jouer en faveur de certains, entraîner des abandons imprévus. La beauté de ce sport, c'est que rien n'est jamais figé."
Propos recueillis par François D'ASTIER