Le pont Wilson de Tours n'a pas résisté à la vague verte. Le nouveau maire écologiste Emmanuel Denis a coupé jeudi la circulation automobile sur l'un des trois ponts enjambant la Loire. Une décision appréciée des cyclistes mais pas des commerçants et de l'opposition.
La mesure, qui s'accompagne de quatre kilomètres de pistes cyclables en site propre, reste pour l'instant du domaine de l'expérimentation. Entrée en vigueur jeudi, elle sera en place jusqu'au 31 octobre. Un point sera alors fait: prolonge-t-on encore pendant l'hiver ou doit-on mettre un terme à l'essai ?
"L'objectif n'est pas de fermer le pont, mais d'ouvrir un nouveau parcours entre Tours-Nord et la gare de Tours (...) de créer une continuité vélo pour donner envie à certains automobilistes de passer au vélo et de créer les premiers kilomètres de réseau express vélo", explique Emmanuel Denis.
Le nouvel élu, qui revendique son droit à "expérimenter" face à la critique, espère aussi que le pont ainsi réservé aux tramways, piétons et cyclistes engendre une autre dynamique en ville.
"On va créer un balcon sur la Loire, patrimoine mondial de l'Unesco", s'enthousiasme-t-il. "La population va pouvoir se réapproprier le pont. On pense déjà à des aménagements éphémères, de type bouquinistes, des bancs, des food trucks, pourquoi pas des chalets du village de Noël... Un nouvel imaginaire autour de ce pont."
Sur le pont de pierre, monument historique, qui relie Tours-Nord au centre-ville, les quelques cyclistes roulant jeudi sous la pluie sont satisfaits, même si les craintes demeurent pour les automobilistes. Tours ne compte en effet que trois ponts et le trafic, calme au mois d'août, va forcément se déporter sur les autres ponts.
- "Une décision brutale et impulsive" -
"Cela peut animer la ville", se projette Alice, qui file au travail. "Je ne pense pas que ce soit une mauvaise idée. Ça ne devrait pas poser beaucoup de problèmes. Les voitures vont vite, elles peuvent faire le tour", estime la jeune bachelière.
Même idée pour Catherine, 47 ans: "Je circule beaucoup en vélo et je suis ravie."
"C'est vrai que ce n'est pas évident quand on veut circuler (en voiture)", juge cette habitante de Tours-Nord. "Aux heures de pointe, je les plains. Ça va bouchonner, c'est sûr. Il va falloir trouver une solution pour désengorger les deux autres ponts."
Chez les commerçants du centre-ville, l'appréhension règne. Le pont, en sens unique depuis l'arrivée du tramway en 2013, débouche en effet sur la principale artère marchande de la ville, la rue Nationale.
"On ne nous a pas demandé notre avis", déplore Laurence Moine, membre de l'association de commerçants Vitrines de Tours. "On est déjà impacté par le stationnement payant zéro tolérance, et maintenant le pont."
"Cela fait peur pour le commerce", s'inquiète cette propriétaire de trois boutiques. "Des gens vont rester en périphérie, les grandes surfaces, les galeries marchandes. Après, la ville peut peut-être devenir plus attrayante si elle est davantage piétonne, mais on a des exemples, comme à Poitiers où la ville est piétonne et où le commerce est très compliqué."
Sur un terrain plus politique, c'est principalement la méthode qui fait grincer des dents.
"C'est une décision brutale, autoritaire et impulsive", regrette Romain Brutinaud (UDI), conseiller municipal d'opposition et conseiller métropolitain.
"Brutale, car (...) il n'y a pas eu de consultation des commerçants, de la population, des riverains", détaille l'ancien colistier du maire sortant Christophe Bouchet. "Autoritaire, parce que celle-ci se fait sur la simple volonté du maire, en dehors du contexte métropolitain. (...) Et enfin, c'est une décision impulsive, car elle se fait en un mois sans étude d'impact."
Des arguments balayés par Emmanuel Denis. "On avait promis de développer les pistes express vélo, c'est ce que l'on fait aujourd'hui", rétorque-t-il. "Il y a eu un vote sans appel le 28 juin qui nous a demandé d'agir sur ces questions de transition."
"C'est le début d'un projet global", avance l'écologiste. "On se félicite de prendre ces décisions rapidement, le réchauffement climatique, lui, n'attend pas."