Les députés se sont opposés mercredi en commission à ce que le gouvernement puisse "prioriser" les travaux de l'Anses, l'agence sanitaire en charge d'évaluer la dangerosité des pesticides et leur autorisation en France.
Cette mesure, qui imposait à l'Anses des priorités dans l'ordre d'évaluation des produits pesticides et donc de leur éventuelle autorisation ou interdiction, a été rejetée par les députés de la gauche et une partie du bloc central en commission des Affaires économiques.
Un vote sur l'ensemble de l'article, prévu dans la soirée, doit encore confirmer ce rejet.
Cette mesure constitue l'une des dispositions les plus irritantes de la proposition de loi venue du Sénat visant à lever les contraintes pesant sur le métier d'agriculteur, qui sera débattue fin mai dans l'hémicycle.
Il s'agit d'une "ligne rouge" constituant une grave "atteinte à l'indépendance de la science", selon les mots du député socialiste Dominique Potier.
Lors de son audition à l'Assemblée nationale le 25 mars, le directeur général de l'Agence, Benoît Vallet, avait expliqué aux élus que l'adoption de cette disposition entraînerait sa démission.
Depuis 2015, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est mandatée non seulement pour évaluer la dangerosité des pesticides, mais aussi pour autoriser ou non leur mise sur le marché.
Elle rend des centaines de décisions par an, en toute indépendance scientifique, tout en étant un établissement public sous tutelle de quatre ministères (Agriculture, Santé, Transition écologique, Travail).
Certaines de ses décisions ont été remises en cause ces dernières années par le ministère de l'Agriculture, sous forte pression du premier syndicat agricole.
Depuis la crise agricole de l'an dernier, la FNSEA réclame le maintien ou la réautorisation de pesticides en France, "en l'absence de solution alternative".
La nouvelle méthode de travail initialement prévue dans ce texte imposait à l'Anses, selon ses pourfendeurs, de "prioriser les enjeux économiques sur les enjeux sanitaires", exposant ainsi l'agence "aux pressions".
Elle précisait qu'un conseil d'orientation créé par décret, avisait le ministre de l'Agriculture des usages qu'il considère prioritaire: c'est à partir de cet avis que le ministre fixait "la liste des usages prioritaires", laquelle devra être respectée par l'Anses.
Lors des débats, le député Richard Ramos a dénoncé les menaces exercées par la FNSEA, qui a, selon lui, appelé à "murer" les permanences des députés MoDem ou "même à aller chez eux".
D'autres dispositions autour de l'Anses et les autorisations de pesticides doivent encore être débattues dans la soirée, notamment la réintroduction dérogatoire de l'acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018 mais autorisé ailleurs en Europe jusqu'en 2033.