Le carton arrive par le rail depuis la Suède. Wagon par wagon, des ouvriers en uniforme indigo déchargent ces bobines géantes qui formeront bientôt les trois quarts de nos briques de lait ou de jus d'orange. Bienvenue dans l'usine de fabrication d'emballages Tetra Pak.
En périphérie de Dijon, l'usine de Longvic produit chaque année près de trois milliards d'unités de ce célèbre emballage, inventé en 1951 par le groupe suédois qui compte aujourd'hui 54 usines dans le monde.
En France, 44% du lait, 38% des jus de fruits et 90% des soupes sont conditionnés en briques alimentaires, de Tetra Pak ou d'autres fabricants.
Chez Tetra Pak, le papier carton est issu de forêts scandinaves, dont les grands résineux offrent une fibre longue "optimale" pour les briques, qui en sont constituées à 75%.
A Longvic, il se déroule par kilomètres sur une multitude de cylindres, estampillé à vive allure aux couleurs de la marque destinataire: lait, crème fraîche, jus d'ananas... L'usine fournit 139 clients français et étrangers.
Désormais paré d'illustrations, il est rainuré pour faciliter son pliage, qui se fera chez le client, puis troué pour paille ou bouchon.
- "Sandwich" -
Mais la brique que l'on surnomme traditionnellement "brique en carton" contient aussi de l'aluminium (de l'ordre de 5%), barrière à l'oxygène et à la lumière, et du plastique (20%), précisément du polyéthylène qui protège de la moisissure.
"C'est comme un sandwich!" plaisante le directeur de l'usine Christophe Pena dit Piedra, face au laminoir où sont assemblées les couches de matériaux à une vitesse de 650 mètres par minute. Chauffé à 300°C, le polyéthylène sert également de colle entre le carton et l'aluminium.
Néanmoins cette recette historique est amenée à évoluer.
En termes d'impact carbone, entre bouteille plastique et brique alimentaire, c'est pour l'heure plutôt "kif-kif", résume à l'AFP Valentin Fournel, directeur éco-conception chez Citeo.
De plus, la loi française prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d'ici 2040.
Avant de s'en passer, l'usine bourguignonne va prochainement intégrer du plastique recyclé à son polyéthylène. Tetra Pak vise au moins 10% de plastique recyclé dans ses emballages vendus en Europe d'ici 2025.
De plus, 24% des briques de Longvic incluent du plastique fait à partir de canne à sucre du Brésil, ajoute-t-on.
Une "fausse bonne idée", objecte cependant Moïra Tourneur, responsable du plaidoyer de l'ONG Zero Waste, pour qui cette "production nécessite toujours l'extinction de multiples ressources" et qui prône de sortir de l'emballage à usage unique.
- Brique par brique -
Tetra Pak produit en Suède une brique 100% d'origine végétale, adaptée aux produits frais consommés en grande quantité dans les pays nordiques. En France, elle ne représente encore que 2% des ventes en litres.
Depuis 2019, la marque Candia, avec un autre fournisseur, est parvenue à affranchir ses briques de lait de leur aluminium, avec une couche plastique recomposée.
Selon Tetra Pak, la fine couche d'aluminium est responsable à elle seule du tiers des émissions de gaz à effet de serre liées aux matériaux de base. Pour la remplacer, l'entreprise expérimente un matériau à base de fibres végétales.
Car si la couche de carton est aisément recyclée, et dans sa quasi totalité, il en est autrement pour le mélange restant polyéthylène/aluminium : le PolyAl.
Un tiers de ce matériau seulement est retransformé, selon l'Alliance Carton Nature (ACN). En mobilier urbain par exemple, comme les bancs des gradins extérieurs du Futuroscope.
"Les mélanges de matières ne sont pas simples à recycler, et il y a peu de débouchés. Mais beaucoup de recycleurs travaillent dessus et les perspectives d'évolution sont plutôt positives", selon Valentin Fournel de Citeo.
Tetra Pak va investir 400 millions d'euros ces quatre prochaines années pour développer sa "brique du futur". "L'objectif est d'avoir une brique maximisée en fibres à horizon 2030/2035", assure le directeur général France et Benelux Chakib Kara.
Mais à grande échelle, il faudra un peu plus de temps. "Transformer nos usines et celles de nos clients dans le monde ne se fera pas en un claquement de doigts, ce sera étape par étape", dit-il.