Après plus de 20 ans de combat, des élus et associations de défense de l'environnement continuent de s'opposer à l'extension d'une carrière de calcaire cimentier dans le parc naturel du Vexin, au nord-ouest de Paris, un projet jugé polluant mais qui vient d'être avalisé par l'Etat.
Filiale du géant allemand HeidelbergCement, les Ciments Calcia détiennent la dernière cimenterie d'Ile-de-France, implantée depuis 1921 à Gargenville, près de Mantes-la-Jolie (Yvelines).
Le site, qui emploie une centaine de salariés, exploite depuis une trentaine d'années la carrière de Guitrancourt, une commune voisine, mais celle-ci est en passe d'être épuisée et le cimentier a demandé à l'Etat, dès les années 1990, à pouvoir exploiter un nouveau gisement sur 550 hectares, notamment à Brueil-en-Vexin, en plein coeur du parc naturel régional (PNR).
Cette extension, qui permettra de continuer à alimenter à hauteur de 15% les entreprises de BTP construisant le Grand Paris, a été déclarée "projet d'intérêt général" en 2016.
Début juin, les ministres de la Transition écologique et de l'Economie ont accordé à Calcia un "permis exclusif de carrière" sur la commune de Brueil pour une durée de dix ans, première tranche de l'extension. Le préfet des Yvelines a lui aussi donné son aval en fin de semaine dernière, ouvrant la voie aux travaux d'exploitation.
Près d'une centaine d'élus, soutenus par des associations, ont aussitôt décidé de saisir la justice administrative, selon le maire DVD de Brueil-en-Vexin, Bruno Caffin. Ces recours s'ajouteront à d'autres procédures déjà pendantes visant à empêcher le projet.
La petite commune rurale dirigée par M. Caffin sera impactée au premier chef par l'extension en étant amputée d'"un tiers de son territoire", soit 109 hectares de terres agricoles, a expliqué l'édile, alors qu'une délégation d'élus de tous bords opposés au projet allait être reçue jeudi au ministère de la Transition écologique.
Ces élus dénoncent un "manque de concertation". "Ils n'ont jamais été impliqués dans la décision", assure M. Caffin, ajoutant que "1.700 de nos concitoyens" ont exprimé leur désaccord lors de l'enquête publique en 2018 et que "2.300 ont fait de même lors du Grand Débat".
L'Association vexinoise de lutte contre les carrières cimentières (AVL3C), entre autres associations locales, dit s'inquiéter pour la pollution de l'air et des nappes phréatiques. Les associations dénoncent aussi un grignotage des terres arables et craignent la destruction de certains emplois, notamment dans le domaine du tourisme, dans cette région aux paysages remarquables, berceau de l'impressionnisme.
La direction du PNR du Vexin soutient leur démarche. "Est-ce que ce territoire pourra rester classé parc naturel une fois que l'exploitation aura commencé?", s'interroge Michaël Weber, président de la Fédération des PNR de France, présent jeudi aux côtés des élus.
- "Protecteur de multinationale" -
"L'Etat n'a pas joué son rôle de protecteur de l'humain", préférant celui de "protecteur de multinationale", peste Dominique Hertin-Poulenat, maire de Vitheuil (Val-d'Oise), une commune du PNR immortalisée par Claude Monet.
A la préfecture des Yvelines, on se récrie. "Il y a eu de très longues discussions avec tout le monde, une dizaine de réunions publiques", avec présentation du projet par l'entreprise "dans un souci de transparence", assure Gérard Derouin, sous-préfet de Mantes-la-Jolie.
Une autre source préfectorale vante les expertises nombreuses et indépendantes qui ont présidé à la prise de décision et promet qu'il n'y aura "pas d'impact significatif si les mesures de précaution" préconisées par l'Etat "sont remplies". Un Comité de suivi du site doit d'ailleurs être créé à l'automne.
Chez Calcia, on se défend de vouloir "opposer industrie, environnement et social". "On a vraiment pris toutes les précautions (...) en tenant compte des exigences demandées en terme environnemental", en "concertation avec l'ensemble des parties prenantes", indique une porte-parole.
Selon une source proche du dossier, l'exploitation ne devrait cependant pas commencer avant que toutes les procédures judiciaires aient été "purgées". Ce qui pourrait prendre encore plusieurs années.
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