La suspension de MaPrimeRénov' cet été pourrait avoir des conséquences temporaires sur le marché immobilier, avec un ralentissement des ventes pour les logements les plus énergivores, estiment des professionnels du secteur interrogés par l'AFP.
L'interruption des demandes d'aides à la rénovation énergétique jusqu'au 15 septembre, annoncée la semaine dernière par le gouvernement, "va avoir un impact bien évidemment sur les transactions" des biens immobiliers les plus énergivores, anticipe Loïc Cantin, président de la Fnaim.
Les conséquences sur le marché global de l'immobilier devrait rester néanmoins "marginal", nuance le représentant de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim).
Un coup d'arrêt que redoute Sébastien Richard, agent immobilier à Sedan (Ardennes) - une ville "économiquement sinistrée" où "les maisons sont souvent +dans leur jus+".
"On récupère beaucoup de biens, notamment de personnes âgées, qui sont en G (très énergivores, NDLR), avec un système de chauffage au fioul, un manque d'isolation intérieure-extérieure, du simple vitrage...", énumère-t-il.
Or, dans une région où le prix du mètre carré est parmi "les moins chers de France", le montant des travaux de rénovation peut parfois représenter plus de 50% du prix d'achat, observe l'agent immobilier indépendant.
"Même avec les aides, les gens rechignent à acheter des maisons mal classées. Alors là, sans les aides, c'est même pas la peine...", souffle-t-il.
Pour ceux qui viennent de signer un compromis de vente, l'incertitude angoisse: "Je vais me retrouver avec un bien qui est un grille-pain", a déploré une auditrice sur France Inter jeudi, qui a expliqué avoir acheté un bien classé G au diagnostic de performance énergétique (DPE) en espérant pouvoir bénéficier des aides à la rénovation.
"Finalement (...) il s'avère que je ne vais pas pouvoir en bénéficier ou que c'est remis à beaucoup plus tard. Donc c'est un projet de vie qui s'effondre", a-t-elle confié, interpellant la ministre du Logement Valérie Létard participant à l'émission.
- "Pas de visibilité" -
Un logement classé F ou G au DPE met environ cinq jours de plus à se vendre qu'un logement classé entre A et E, selon le site SeLoger. Preuve que les passoires thermiques sont, même avec les aides à la rénovation énergétique, moins attractives que les autres sur le marché immobilier.
Mais jusqu'à présent, les achats des logements les plus énergivores étaient encouragés par "un prix décoté", c'est-à-dire revu à la baisse, et par "des avantages (...), comme un prêt à taux zéro (PTZ) ou MaPrimeRénov'", ce qui conduisait "certains acheteurs et primo-accédants à les acquérir", explique Loïc Cantin.
Pour l'immobilier ancien, le PTZ permet de financer l'acquisition de logements à condition de réaliser des travaux de rénovation énergétique.
Or avec la suspension de MaPrimeRénov', ces ménages "aux ressources moyennes (...) ne peuvent pas s'engager, puisqu'il n'y a pas de visibilité" et vont donc "différer" leurs projets, a-t-il ajouté.
L'arrêt temporaire du dispositif risque donc de "casser" temporairement "le circuit de la rénovation énergétique", et surtout en "zones rurales" car "il y a plus de DPE F et G (...) que dans les grandes agglomérations", analyse le président de la Fnaim.
D'autre part, les investisseurs - qui achètent un bien pour le mettre en location - aussi seront moins incités à acheter des logements énergivores tant que le dispositif MaPrimeRénov' ne sera pas rouvert, selon Stéphanie Gaillard-Serougne, porte-parole des notaires du Grand-Paris.
"Aujourd'hui on a un marché locatif qui est en train de dépérir (...) parce qu'il y a de plus en plus de contraintes" pour les propriétaires. "Donc si en plus (...) on enlève un allègement dans la mise en place des travaux, on va avoir encore moins d'acheteurs", affirme-t-elle.
La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin, a indiqué mardi que le guichet de dépôt de dossiers pour obtenir des aides MaPrimeRénov' redémarrera le 15 septembre, après une suspension prévue d'ici au 1er juillet par le gouvernement.