Sûreté nucléaire: le gouvernement avance dans son projet

Le projet de loi sur la sûreté nucléaire, retour d'une réforme controversée voulue par le gouvernement, est en cours de rédaction, l'intersyndicale de l'IRSN, l'institut expert du secteur promis au démantèlement, mettant en garde vendredi contre "une usine à gaz" source de risques.

Un "Conseil de politique nucléaire" réuni autour d'Emmanuel Macron a donné fin juillet "mission à la ministre de la Transition énergétique d'engager les concertations avec les parties prenantes et les parlementaires en vue de préparer un projet de loi d'ici l'automne", indique le ministère.

"Il y a un travail de co-construction avec les parties prenantes, qui va s'étaler dans les prochaines semaines", indique-t-on.

Cette réforme prévoit de réunir l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN), expert technique de la sûreté, et l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui décide du sort des centrales, en une "grande autorité indépendante".

Sur fond de relance du programme nucléaire, elle vise pour le gouvernement à "adapter" et "fluidifier" les décisions, mais ses détracteurs redoutent une perte d'indépendance et de qualité de l'expertise et une moindre transparence à l'égard du public.

Ce projet avait été retoqué par le Parlement en mai.

Le texte préparé depuis cet été devrait très prochainement sortir pour faire l'objet de consultations informelles, puis formelles, a indiqué François Jeffroy, de l'intersyndicale CFDT CGT CFE-CGC de l'IRSN, selon des éléments communiqués vendredi par la ministre Agnès Pannier-Runacher lors d'une rencontre.

"L'objectif est un passage en conseil des ministres d'ici la fin de l'année", indique le cabinet.

La ministre a également reçu cette semaine les patrons de l'ASN et de l'IRSN, et propose "de réfléchir à un format d'interaction permettant un échange direct avec l'ensemble des salariés de l'IRSN d'ici fin septembre".

Pour l'intersyndicale de l'IRSN, la rédaction du projet en révèle déjà les écueils.

"Ca nous paraît construire une usine à gaz pour tenter de faire dans une nouvelle organisation ce qui se faisait très bien aujourd'hui, au risque de ne pas y arriver et de fuite des compétences, et au risque d'amoindrir la sûreté et la sécurité nucléaires", estime M. Jeffroy.

L'intersyndicale s'alarme notamment d'une "perte de synergies", avec le départ dans d'autres entités de l'expertise des installations de Défense, de l'expertise de la sécurité et des services de dosimétrie.

En outre, "la ministre nous a précisé que le projet de loi n'intègrerait pas de garanties sur la séparation des fonctions +expertise+ et +décision+", ajoutent les représentants du personnel dans un communiqué.

"L'évaluation technique des risques se trouvera donc sous le contrôle du décideur et de ses contraintes. C'est contraire aux règles de déontologie qui font consensus au plan international", s'alarment-ils.

Le ministère répond pour sa part que l'ASN compte déjà des experts. Il ajoute que les activités de recherche de l'IRSN seront bien transférées dans la future autorité, comme demandé par le personnel.