La camionnette qui vient remplir la cuve est à peine garée qu'affluent des migrants chargés de bidons: à Calais, s'approvisionner en eau est une épreuve permanente pour les exilés vivotant dans les campements, plus encore quand le mercure grimpe.
Tandis que Jeanne Olivet du Calais Food Collective relie un tuyau à la cuve de 1.000 litres - entièrement vide -, un jeune Soudanais penche déjà le récipient pour recueillir les premières gouttes.
A quelques dizaines de mètres, des tentes cuisent en plein soleil, sur un terrain vague.
Le collectif de sept bénévoles livre habituellement 6.000 litres d'eau par jour sur les cinq principaux lieux de vie des exilés. Avec la température qui monte, il est passé à 11.000 litres.
Quelque 600 personnes, selon la préfecture, subsistent actuellement sur les campements de Calais, dans l'espoir de gagner l'Angleterre.
"L'accès à l'eau, c'est un des droits les plus basiques de tout être humain", s'insurge Jeanne, bénévole de 20 ans. "Ne pas leur en fournir, c'est une des manières les plus violentes de les décourager" de rester.
- Précieux robinet -
A quelques kilomètres, dans une zone industrielle, un robinet en plein air constitue le seul point d'eau courante accessible 24 heures sur 24.
Sur un sol en gravillons, le long d'une rangée de toilettes de chantier, une vingtaine de tentes se serrent autour de cette précieuse source d'eau.
"Grâce à Dieu, on a de l'eau ici", soupire Abdallah, Irakien de 26 ans, échoué à Calais depuis six mois. "Mais avec la chaleur, c'est vraiment difficile de dormir dans les tentes".
Côté pouvoirs publics, une association, la Vie active, est mandatée pour distribuer de l'eau avec des camionnettes transportant des cuves, dans deux points en périphérie de Calais mais hors des campements, précise un de ses responsables, Stéphane Duval.
Ces distributions sont quotidiennes, à raison de six heures par jour, selon la préfecture.
Même logique pour les douches, bannies des campements: "du coup, on fait la navette", en bus vers des installations situées hors du centre-ville, cinq jours par semaine, explique le directeur général de la Vie active, Guillaume Alexandre.
Seuls 50 à 100 migrants par jour en profitent actuellement, selon l'association.
L'enjeu pour les autorités est d'éviter la formation de "points de fixation" sur le littoral. Pour les exilés, dont nombre sillonnent Calais bidons à la main, cela signifie des kilomètres pour se ravitailler.
La Vie active distribue 1.500 à 2.500 litres d'eau par jour via des robinets sur ses camionnettes ainsi que des jerrycans de cinq litres, des quantités révisées à la hausse par la préfecture en cas de fortes chaleurs.
- "Accès insuffisant" -
Pour l'Auberge des migrants, qui chapeaute les associations actives sur place, "l'accès à l'eau proposé par l'État est très insuffisant".
Pire, les cuves des associations sont régulièrement vandalisées, selon l'association, qui rapporte des témoignages mettant parfois en cause des policiers lors d'expulsions. Des accusations "graves" et "non étayées" selon la préfecture du Pas-de-Calais.
Plus à l'est, à Loon-Plage (Nord), d'autres migrants campent dans les bois, en retrait des dunes.
Une femme et son enfant enjambent une voie ferrée, brosses à dents à la main, pour accéder à la cuve installée par l'association Roots.
Mais "l'eau de la cuve est chaude, pas bien pour boire, pour se laver", déplore Hussein, Afghan en transit ici depuis deux mois.
Comme le Calais Food Collective, Roots alimente en eau des cuves dans le camp, et, trois fois par semaine, permet à environ 70 personnes de se doucher dans des cuves bricolées.
"Beaucoup d'autres voudraient en profiter mais nous n'avons pas assez de temps et d'argent", explique une bénévole.
Le dimanche matin, la commune de Grande-Synthe, voisine de Loon-Plage, ouvre aussi les douches d'un gymnase aux migrants.