Suivi des ordonnances, temps de parole: changements en vue au Sénat

Le Sénat à majorité de droite s'apprête à modifier son règlement, à l'initiative de son président Gérard Larcher, avec des points consensuels, comme l'amélioration du suivi des ordonnances, mais un sujet de désaccord majeur avec la gauche sur la réduction du temps de parole dans l'hémicycle.

La proposition de résolution présentée par M. Larcher (LR), qui sera soumise mardi après-midi au vote de la chambre haute, fait suite à un groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, qui a réuni tous les groupes politiques de décembre 2020 à mars 2021.

Une fois votée par les sénateurs dans l'hémicycle, elle sera soumise au contrôle du Conseil constitutionnel, comme le prévoit la Constitution, dans l'objectif d'une entrée en vigueur au 1er octobre, pour le début de la prochaine session ordinaire du Parlement.

Une cinquantaine d'amendements ont été déposés en séance publique sur ce texte, pour la plupart par les groupes de gauche.

Le raccourcissement prévu du temps de parole des sénateurs dans la discussion des articles et des amendements sur un texte cristallise les oppositions. Il passerait, selon la proposition de résolution, de 2 minutes et demie à deux minutes.

L'objectif est de "mieux utiliser le temps de séance publique", face à l'inflation législative. Le président de la commission des Lois François-Noël Buffet (LR) fait valoir que l'Assemblée nationale a "réduit dès 2009 la plupart de ces temps de parole à deux minutes".

Mais cette modification est très mal perçue à gauche, qui est montée au créneau dès l'examen du texte en commission.

Pour le socialiste Eric Kerrouche, "cette réforme se fait au détriment du Parlement, du Sénat et de la qualité de la loi". "Nous nous inscrivons tout seuls dans la course au temps législatif, devenant un Parlement de la vitesse", dit-il.

Pour la présidente du groupe CRCE à majorité communiste Eliane Assassi, la réduction du temps de parole "devient une obsession". "Le réduire à deux minutes, c'est insuffisant et presque mesquin, et cela affaiblit la place de l'opposition".

- "Logique du tweet" -

"La logique du tweet généralisé est incompatible avec celle d'une argumentation étayée", appuie Jean-Pierre Sueur (PS).

"Le temps de parole se réduit individuellement, mais nous nous plaignons que les textes s'allongent et que leur volume triple au Parlement. Le travail législatif, c'est souvent du travail de nuit non compensé, et de plus en plus intensif", argumente au contraire Philippe Bas (LR).

Plus globalement, la gauche déplore "une modernisation de façade", qui accroît les pouvoirs de la majorité sénatoriale et affaiblit les droits de l'opposition.

Elle s'oppose en particulier à la suppression de la règle du renvoi en fin de "tourniquet" (ordre de passage tournant) de l'orateur issu du même groupe que celui du rapporteur, le plus souvent de la majorité.

Elle regrette aussi la "timidité" des modifications concernant le droit de pétition ou la parité. La proposition de résolution prévoit ainsi que les groupes politiques "s'efforcent d'assurer une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes" dans les listes établies pour l'élection des membres du Bureau du Sénat, l'instance clé de la chambre haute.

En revanche, l'amélioration du suivi des ordonnances, sujet cher à Gérard Larcher, fait consensus.

Le texte ajoute le suivi des ordonnances aux missions des différentes commissions permanentes du Sénat et renforce son information sur les intentions du gouvernement quant à leur publication et leur ratification.

L'objectif est de répondre à l'explosion ces dernières années des textes autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances, qui court-circuitent les débats au fond du Parlement.

Depuis le début de l'actuelle législature, 298 habilitations à légiférer par ordonnances ont été accordées par le Parlement, dont 90 liées à la crise sanitaire du Covid-19, soit un doublement par rapport au quinquennat 2007-2012, et une augmentation de 23,6 % par rapport à 2012-2017, selon les données du Sénat.