L'accord annoncé lundi entre Suez et Veolia met fin à huit mois de bataille financière, médiatique et judiciaire entre les deux géants français de l'eau et des déchets.
Août: Veolia sort du bois
Le 30 août, Veolia annonce vouloir racheter à Engie 29,9% de son grand rival Suez pour 2,9 milliards d'euros, avec l'intention de lancer ensuite une OPA sur le reste du capital et de créer un "champion français de la transformation écologique".
Le PDG de Veolia, Antoine Frérot, raconte avoir appelé le 3 août le directeur général de Suez, Bertrand Camus, pour "envisager un rapprochement".
Le 31 août, le conseil d'administration de Suez juge l'offre "porteuse de grandes incertitudes". Le 2 septembre, Bertrand Camus décrit une opération "hostile", avec "des risques majeurs pour nos emplois".
Opposés à la vente de la branche Eau France de Suez, que Veolia n'a pas l'intention de conserver pour respecter les règles de la concurrence, des salariés de Suez entament le 8 septembre une première journée de grève. Veolia certifie préserver tous les emplois.
Septembre: le gouvernement temporise, Suez contre-attaque
Le 16 septembre, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire joue l'apaisement en recevant la direction de Suez. Le 4 octobre, il appellera les deux rivaux à conclure "un accord amiable".
Le 22 septembre, Suez dégaine une arme surprise: la création d'une fondation destinée à gêner la cession de son activité Eau France.
Huit jours plus tard, Veolia améliore son offre à près de 3,4 milliards d'euros et s'engage à ne déposer pendant six mois "une offre publique portant sur 70,1% du capital de Suez qu'à la condition qu'elle soit amicale". Suez dit à nouveau non.
Octobre: Engie dit oui à Veolia
Le 5 octobre, le conseil d'administration d'Engie valide la vente de 29,9% de Suez à Veolia, en dépit du vote contraire de l'Etat, son principal actionnaire.
Le 9 octobre, le tribunal judiciaire de Paris suspend l'opération d'acquisition tant que les comités sociaux et économiques (CSE) de Suez et Suez Eau France n'auront pas été consultés.
Janvier: Veolia repart à la charge, Suez tente un "plan B"
Le 7 janvier, Veolia adresse à Suez le détail de son projet d'offre et juge "inéluctable" le rapprochement des deux rivaux.
Le 17 janvier, Suez annonce avoir obtenu le soutien des fonds français Ardian et américain Global Infrastructure Partners (GIP) pour proposer une "solution amicale" et "rapide" à Veolia.
Différents scénarios sont à l'étude, s'adressant à "tous les actionnaires". L'un d'eux inclurait de racheter les actions Suez déjà acquises par Veolia... qui refuse tout net.
Février: cacophonie autour de l'OPA
Le 2 février, Bruno Le Maire assure "qu'une solution amiable est à portée de main". Les deux groupes devraient se parler "très, très prochainement", confie le lendemain le président de Suez, Philippe Varin.
Le 3 février, le tribunal de Nanterre déboute les syndicats de Suez, estimant qu'ils n'avaient pas à demander l'ouverture d'une procédure d'information-consultation dans le cadre du rachat. La voie est libre pour Veolia: il annonce le 7 février au soir le lancement d'une OPA sur les 70,1% du capital de Suez qu'il ne possède pas encore, pour 7,9 milliards d'euros.
Suez dénonce un dépôt d'OPA "irrégulier et illégal". Après s'être réuni dans la nuit du 7 au 8 février, le tribunal de commerce de Nanterre ordonne à Veolia de suspendre l'OPA.
Bruno Le Maire juge que l'offre "manque de transparence" et annonce "saisir l'Autorité des marchés financiers".
"Nous maintenons que notre offre est valable", affirme Antoine Frérot à la presse, ajoutant à l'imbroglio général.
Le 23 février, le tribunal de Nanterre se déclare finalement "incompétent" pour trancher sur la validité de l'OPA.
Mars: Suez pose ses conditions, Veolia dit non
Fin mars, Suez reçoit une offre à 20 euros par action du consortium Ardian - GIP pour une partie de ses activités, soit deux euros de plus que Veolia.
Suez exige de ce dernier qu'il relève son offre et maintienne les activités Eau du groupe, mais Veolia rejette ces nouvelles conditions.
Avril: dernières salves et armistice
Le 6 avril, la tension remonte d'un cran: Suez signe un accord pour vendre à l'australien Cleanaway un actif considéré "stratégique" par son rival français, tandis que Veolia appelle Suez à "désactiver" la fondation empêchant la cession de sa branche Eau.
Finalement le 12 avril, "le temps de l'affrontement est terminé, le temps du rapprochement commence", se réjouit Antoine Frérot: les deux groupes se sont entendus sur un prix de 20,50 euros par action, valorisant Suez à environ 13 milliards d'euros.
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