Suez dans une course contre la montre pour échapper à Veolia

Suez est engagé dans une course contre la montre pour tenter de trouver des investisseurs et éviter d'être avalé par son son vieux rival Veolia, disposé de son côté à négocier avec Engie, 3e entreprise clé du feuilleton.

Faiseur de roi dans cette affaire, le géant de l'énergie veut vendre ses parts dans Suez. Il tiendra un nouveau conseil d'administration vendredi 25 septembre pour examiner les propositions sur la table.

Le conseil a demandé jeudi à Veolia d'améliorer son offre de rachat, fixée à 2,9 milliards d'euros pour ses 29,9% de parts.

Conglomérat aux activités variées, Engie (ex-GDF Suez) veut se concentrer à nouveau sur les énergies. Après avoir hésité des années durant sur le sort de Suez, il s'était finalement dit prêt fin juillet à céder sa participation.

Veolia, leader mondial du traitement de l'eau et des déchets, a donc proposé fin août de lui racheter en numéraire ces parts dans Suez, pour lancer ensuite une OPA sur les autres actions et créer un "grand champion mondial français de la transformation écologique". Sa proposition court jusqu'au 30 septembre.

La direction de Suez, qui refuse avec véhémence de voir le groupe perdre son indépendance, s'est lancée à la recherche d'investisseurs alternatifs.

Quelques uns ont exprimé leur intérêt, comme le fonds français Antin, spécialisé dans les infrastructures; d'autres ont démenti toute participation, comme Axa.

Le temps est un facteur clé, souligne la direction de Suez, pressée par Engie de lui présenter une contre-offre.

- "Intérêt national" -

"Beaucoup d'investisseurs, notamment des fonds, peuvent être intéressés par ce secteur", estime Xavier Regnard, analyste chez Bryan Garnier. "Globalement, ces activités offrent une bonne visibilité, notamment les contrats pour l'eau municipale. Les incinérateurs et l'enfouissement de déchets sont très appréciés. Et historiquement, ces sociétés distribuent de bons dividendes".

Mais la recherche d'investisseurs prend du temps "car ils doivent regarder dans le détail les données financières, proposer une valorisation, monter une offre, c'est une grosse opération", ajoute-t-il.

Dans un contexte de crise économique et de plan de relance, le gouvernement désormais temporise.

Actionnaire de référence d'Engie, "l'Etat refusera la précipitation parce que quand il y a des dizaines de milliers d'emplois qui sont en jeu, on ne se précipite pas", a indiqué le ministre de l'Economie Bruno Le Maire jeudi.

Une évolution notable dans le ton, notamment après les déclarations du Premier ministre Jean Castex, qui en début de mois avait jugé que le plan de Veolia faisait "sens" sur le plan industriel.

Le Premier ministre n'a "pas d'opposition de principe" à un rapprochement Suez-Veolia, dit-on aujourd'hui dans son entourage. Mais il "attend la proposition de Suez", et "il est contre le fait qu'un monopole advienne".

Selon M. Le Maire, "l'Etat n'a fait aucun choix", mais il impose trois critères: emploi, ancrage industriel français et prix.

Suez, lui, met en avant une menace pour l'emploi. Il s'en prend aussi au projet de Veolia de céder son activité Eau France au fonds français Meridiam, à travers une opération destinée à répondre aux lois anti-trust. L'intersyndicale a prévu une deuxième journée de mobilisation mardi.

Veolia de son côté certifie qu'il n'y aura pas de licenciement, que tout le monde aura sa place, du ripeur au directeur. Meridiam dit de même, promet des investissements, et des capitaux français.

Faudra-t-il se donner plus de temps? Veolia comme Engie ne tiennent pas à ce que cet épisode traîne en longueur, selon des sources proches des entreprises.

Réagissant à l'appel d'Engie à faire plus, Veolia se dit prêt à discuter, sous l'angle de "la garantie des emplois et des avantages sociaux, et de la participation de l'ensemble des actionnaires" à son projet, sans évoquer explicitement la question du prix.

Les patrons de Suez, Veolia et Meridiam, viendront expliquer leur stratégie mercredi aux députés.

Depuis le début du bras de fer, les élus sont "très sollicités" pour donner leur opinion, souligne le président (LR) de la commission des Finances Eric Woerth, à l'origine de l'audition.

"L'objectif n'est pas de prendre position, mais c'est un exercice d'éclaircissement nécessaire", affirme-t-il à l'AFP. "Car la question c'est: comment protège-t-on les intérêts français? La France sera-t-elle plus forte à un groupe ou à deux? C'est une stratégie qui engage la souveraineté de notre pays, un sujet d'intérêt national d'autant plus sensible en ce moment".

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