Stratégie énergétique: la filière des renouvelables appelle à une "mobilisation générale sur l'électrification"

Le gouvernement veut évaluer le coût des énergies renouvelables pour les finances publiques, mais pour Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables, l'urgence est de sortir de l'incertitude et d'accélérer la transition énergétique en profitant de l'abondance d'électricité décarbonée en France.

Où en est la stratégie énergétique de la France ?

Aujourd'hui, on est dans une situation où il n'y a plus aucun cadre pour la politique énergétique, puisqu'il n'y a pas de texte sur la stratégie énergétique française. Ca crée une incertitude dans un moment où en plus, il y a de l'incertitude politique. Tout ça a un effet répulsif sur les investisseurs.

Pas de Programmation pluriannuelle énergétique (PPE), ça veut aussi dire qu'il faut fermer quatorze réacteurs nucléaires d'ici 2035, dont deux en 2027 et en 2028. C'est le texte actuel. Evidemment, le gouvernement ne va pas fermer deux réacteurs. Par contre, pour relancer le programme nucléaire, il faut une aide publique.

La deuxième question, c'est +Est-ce qu'il y a trop d'électricité en France?+ Cela explique pourquoi on est en train de procrastiner sur ce texte. Parce qu'une bataille se joue sur le fait de savoir s'il est pertinent d'ajouter de nouvelles capacités. C'est incroyable de se dire qu'il y a trois ans, pendant la crise énergétique et la flambée des prix, on disait à tout le monde +Il faut faire de l'électricité+. Et alors qu'aujourd'hui, ça commence à produire ses effets, cette situation serait devenue un problème? Un prix bas, c'est quand même la meilleure manière d'accélérer l'adoption de l'électricité dans nos usages.

On parle pourtant de surproduction d'électricité ?

Aujourd'hui, grâce aux investissements qui ont été faits il y a longtemps pour le nucléaire et plus récemment pour les renouvelables, on a une électricité pour 2026 qui est autour de 50 euros du megawattheure (MWh) en France. En Allemagne, elle est autour de 85-88 euros et en Italie, de 105-107.

La difficulté vient du fait que le prix du marché de l'électricité ne permet pas de couvrir les coûts complets du système. Et ça, c'est vrai quelle que soit la filière. Avec une électricité à 50 euros, on ne couvre ni la filière nucléaire, ni celles des renouvelables. L'ensemble des filières de production nécessitent du soutien public et il n'est pas très utile de désigner les ENR comme bouc émissaire.

Quand les prix sont bas, ce qui est une bonne chose pour le pouvoir d'achat, la compétitivité et l'électrification, la production nécessite plus de soutien. Mais c'est un investissement !

Comment réussir la transition énergétique ?

En 2024, la production d'électricité en France était décarbonée à 95 %. On est les premiers à être confrontés à la réalité de l'électrification, dans les transports, le chauffage, l'industrie. C'est difficile, c'est un changement d'habitudes. Il faut entrer dans une autre ère, celle de la société électrique. Ce n'est pas le moment de renoncer, alors qu'on a les armes pour réussir.

Evidemment, l'électrification et donc l'augmentation de la demande d'électricité, ce n'est pas immédiat. Mais la PPE, ce n'est pas des électrons demain matin dans le système, c'est la programmation des investissements dans de nouvelles capacités moyen et long terme. Donc c'est quand même assez dommage de renoncer à des objectifs ambitieux au motif que pour l'instant, il y a une offre qui excède un peu la demande. Il me semble que le constat que l'offre est supérieure à la demande, donc les prix sont bas, ça crée une opportunité pour sonner à la mobilisation générale sur l'électrification.

Même si on décidait de faire une PPE avec zéro ENR, ça ne changerait rien à la question de l'équilibre entre l'offre et la demande, ni à la question du soutien public à ces installations. Donc il faudrait, quand on rajoute des capacités, que ça soit le plus économe possible pour les deniers publics et que ça contribue à l'électrification.

On a un bien stratégique, l'électricité, en abondance, totalement décarboné et souverain, produit sur le territoire national. Qu'est ce qu'on fait pour amener les gens à consommer ça?