Stocker l'hydrogène dans du sel pour accélérer la transition énergétique

Du sel pour stocker de l'hydrogène. Le projet "Hypster", porté par Engie, a validé la faisabilité du stockage de la plus petite des molécules de gaz dans des cavités salines, ouvrant la voie à son déploiement à grande échelle pour accélérer la décarbonation de l'industrie et de la mobilité lourde ou produire de l'électricité.

"On a une petite cavité dans laquelle on a simulé des stockages", montre Charlotte Roule, vice-présidente hydrogène d'Engie et directrice-générale de sa filiale Storengy, dédiée au stockage souterrain de gaz naturel.

"Il faut bien comprendre que pour tout ce qui est stockage d'hydrogène, on est au stade des (projets) pilotes en Europe", ajoute-t-elle. "La cavité saline est ce qui est le plus sûr pour démarrer".

Lancés fin 2024, des tests du système de stockage "Hypster" (Hydrogen Pilot STorage for large Ecosystem Replication) réalisés pendant quatre mois ont permis de valider "la possibilité d'une exploitation commerciale du stockage d'hydrogène en cavité saline", souligne Engie. Celles-ci sont aujourd'hui utilisées pour stocker du gaz.

Le programme, de 15,5 millions d'euros dont 5 millions de subventions européennes, "ouvre la voie à la création d'une filière industrielle du stockage d'hydrogène renouvelable" en Europe.

"L'intérêt du démonstrateur était de tester la réaction du sel et celle de l'hydrogène", explique Mylène Poitou, directrice-adjointe des projets industriels de Storengy. "On a fait la démonstration qu'il était possible de stocker de l'hydrogène dans une cavité saline."

Les tests - 3 tonnes d'hydrogène injectées et 100 cycles d'injection et soutirage d'hydrogène réalisés - ont été menés sur le site d'Etrez, près de Bourg-en-Bresse (Ain), dans une cavité à 800 mètres de profondeur.

Premier centre de stockage de gaz en cavités salines en France et 5ème en Europe, il dispose de 20 cavités en exploitation, entre 1.300 et 1.600 mètres de profondeur, dont les plus récentes pourraient contenir le volume de 10 Arcs de Triomphe.

Les puits ne sont visibles que par la tuyauterie qui parcourt le site et les tours de déshydratation destinées à retirer le surplus d'humidité dans le gaz stocké sous terre. Pour l'énergéticien, historiquement lié au gaz, cela implique d'adapter ses installations, avec notamment des compresseurs compatibles avec l'hydrogène.

L'objectif est d'accompagner le développement du marché de l'hydrogène, qui devrait fortement augmenter dans les prochaines années. "Le besoin en stockage d'hydrogène va être extrêmement important à l'horizon 2035", assure Charlotte Roule. Le stockage "sera un vrai outil de flexibilité sur le système énergétique".

- Stockage "rapide" -

Outre la décarbonation des raffineries, cimenteries, de la sidérurgie et celle des transports lourds (aviation, maritime..), l'hydrogène devra venir en soutien au système électrique, pour stocker l'électricité solaire ou éolienne qui ne peut pas être toujours utilisée au moment de sa production.

Quant aux électrolyseurs, gros consommateurs d'électricité pour la production d'hydrogène à partir d'eau, le stockage leur permettra de répondre à leurs clients lors des pics de consommation, lorsqu'ils devront s'"effacer" au profit des autres usagers pour soulager le système.

Les cavités salines devraient aussi être adaptées au système énergétique de demain grâce à leur "réactivité": Aujourd'hui, le stockage de gaz est saisonnier, avec un destockage surtout en hiver.

Avec l'hydrogène, "on va être beaucoup plus en réponse à des pics, y compris dans la journée", estime Charlotte Roule. "C'est une utilisation qui est très différente et la cavité saline s'y prête".

Grâce à sa réactivité et à l'étanchéité de la poche de sel, l'hydrogène permet du "stockage rapide". Car en milieu poreux, dans la roche, il faut en permanence vérifier que la bulle de gaz ne s'échappe pas.

Autre avantage selon elle, "comme on a plusieurs cavités, on peut en mettre une, deux ou trois en service, selon les besoins. Quand on travaille sur un site poreux, on a un réservoir (...) plus grand, mais il n'y en a qu'un seul".

Tout cela nécessite une réglementation adaptée alors que l'UE a identifié les infrastructures d'hydrogène comme essentielles. L'objectif est qu'elle soit en place d'ici 2032-2033, indique Charlotte Roule. Engie pousse "pour avoir une clarification de l'encadrement du stockage d'hydrogène".

Reste le prix de l'hydrogène renouvelable, encore trop cher. "Il faut absolument minimiser les coûts. Tout le travail qu'on fait vise à diminuer au maximum le coût".

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