Les start-up et fonds d'investissement de capital risque, réunis mardi à Paris pour le "France digitale day", rêvent aujourd'hui de "licornes", ces champions internationaux du numérique valorisés plus d'un milliard de dollars, qui tardent à apparaitre sur la scène européenne.
"Avec 10.000 start-up sur tout le territoire, nous avons l'écosystème le plus dense d'Europe. La priorité désormais, c'est le passage à l'échelle" supérieure ("scale-up"), pour que "plusieurs centaines d'entre elles partent à la conquête du monde", a expliqué Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'Etat au numérique, en marge de cet évènement visant à favoriser les rencontres entre start-up et investisseurs.
Le gouvernement veut "prioriser, dans tous les outils qui sont à sa disposition, l'orientation vers les start-up à forte croissance", a-t-il ajouté.
Bpifrance, la banque publique d'investissement, intensifie son effort en direction de ces jeunes pousses ambitieuses, explique-t-il.
Et "on a fait un travail intense pour attirer des fonds d'investissements" internationaux, ajoute-t-il.
"Il y aura dans les prochains mois plusieurs annonces d'ouverture de bureaux (de ces fonds d'investissements) à Paris ou de création de fonds spécifiques pour la France", indique-t-il.
Pour certains en effet, les start-up françaises susceptibles de devenir des champions internationaux souffrent du manque d'investisseurs capables d'investir plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions d'euros dans leurs tours de table.
"Il y a un rapport" entre le faible nombre de licornes et "le manque de financement", explique François Robinet, d'Axa Ventures Partners.
Pour M. Robinet, comme pour beaucoup d'autres investisseurs, l'Etat pourrait améliorer la situation en ouvrant un peu l'épargne des Français au capital risque.
"Il y a 1.500 milliards d'épargne dans l'assurance vie, et il n'y a rien pour l'innovation", regrette-t-il.
Avec une toute petite partie de cette épargne, "on pourrait créer des fonds de croissance de première qualité", estime-t-il.
"Les capitaux sont là" dans les fonds d'investissements, nuance de son côté Emmanuelle Flahault-Franc, co-auteur de "Into the French Tech", un livre de témoignages de champions.
La difficulté vient plutôt du manque de grands groupes industriels européens capables de reprendre ensuite la main, et d'assurer une "sortie" correcte aux fonds d'investissement lorsqu'ils ont mis l'ancienne startup en orbite, explique-t-elle.
"C'est compliqué" pour les fonds de s'engager "lorsqu'il n'y a pas de visibilité pour la sortie", explique-t-elle.
"Ce n'est pas tellement une question de financement" estime de son côté Fleur Pellerin, l'ancienne ministre déléguée à l'économie numérique désormais reconvertie dans le capital risque.
"C'est plutôt un problème d'état d'esprit, de vision et d'arbitrage" chez les créateurs de startups, estime-t-elle.
"Mais je vois venir une génération d'entrepreneurs qui veut conquérir le monde, qui a envie de valorisation en milliards d'euros, voire en dizaines de milliards d'euros", affirme-t-elle.
Frédéric Mazzella, le président-fondateur de Blablacar, l'une des rares "licornes" françaises, est lui aussi convaincu que d'autres sociétés vont bientôt marcher sur ses traces.
"On n'est pas à la traîne" en France, "il y a quelques sociétés françaises qui sont très, très bien positionnées pour devenir" des stars de l'économie numérique, estime-t-il.
Alexandre Mars, ancien entrepreneur (Phonevalley, ScrOOn) devenu investisseur et philanthrope, invite de son côté à ne pas trop rêver de "licornes" pesant le milliard de dollars, mais peut-être plus à des championnes européennes représentant quelques centaines de millions.
"La licorne est une mauvaise échelle de calcul, ca ne marche que lorsqu'on est aux Etats-Unis" où le marché intérieur est cinq fois plus important qu'en France, explique-t-il.
En revanche, "on peut chercher à être le premier en Europe, ce que la France est de plus en plus", affirme-t-il.
Lui en tout cas croit dans les chances des Français et des Européens: son fonds d'investissement Blisce qui jusqu'à maintenant à investi à hauteur de 80% aux Etats-Unis, et seulement à 20% en Europe, va évoluer vers un ratio 60% aux Etats-Unis, 40% en Europe.
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