Le premier syndicat des enseignants-chercheurs du supérieur (Snesup-FSU) s'est ému dimanche d'un sondage sur l'antisémitisme destiné aux enseignants, à l'initiative du ministère de l'Enseignement supérieur, et en a demandé le retrait en dénonçant des questions "biaisées".
Révélé par le Monde et consulté par l'AFP, un courrier adressé aux chefs d'établissements explique qu'une "étude scientifique" a été confiée au Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po, dans le cadre d'un programme annoncé par le ministre Philippe Baptiste, le 29 avril.
Cette étude consacrée à "l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur et la recherche", repose sur deux enquêtes, l'une menée auprès des étudiants, l'autre auprès des personnels. Elle porte "sur les perceptions, les expériences et les dynamiques liées à l'antisémitisme" dans l'enseignement supérieur et la recherche.
Le courrier, daté du 18 novembre, diffusé sur les réseaux sociaux par plusieurs universitaires, incite les présidents d'universités et d'organismes de recherche à relayer un lien vers un questionnaire à tous les enseignants ou personnels administratifs sous leur autorité.
Pour Emmanuel de Lescure, secrétaire général du Snesup-FSU, l'étude vise à dresser "une espèce de cartographie des opinions politiques dans l'enseignement supérieur et la recherche", ce qui interroge sur sa "légalité". Il s'inquiète de questions "biaisées" et s'interroge sur la garantie stricte de l'anonymat, promise par le courrier.
Y voyant une "mascarade scientifique", il réclame son retrait.
Le questionnaire, réalisé par l'Ifop, interroge les personnels sur l'antisémitisme dont ils pourraient avoir été témoins, mais aussi sur leurs propres opinions. "Quand vous pensez à l'antisémitisme qui existe en France, diriez-vous que les juifs ont une part de responsabilité ?", demande-t-il notamment.
Si certaines questions évoquent l'islamophobie, l'homophobie ou la misogynie, beaucoup portent sur l'antisémitisme, demandant aussi de classer de "tout à fait vraie" à "tout à fait fausse" certaines "opinions que l'on entend parfois à propos des juifs", comme "globalement les juifs sont plus riches que la moyenne des Français".
Les répondants doivent aussi préciser leur âge, genre, région ou type d'établissement, leurs fonctions (enseignant, administratif...) et se classer sur le spectre politique.
"Produire des statistiques sur les orientations politiques des agents de la fonction publique ne peut que mener à les jeter à la vindicte de médias ultra orientés", a fustigé le chercheur en sciences politiques Emilien Houard-Vial sur Bluesky.
Joint par l'AFP, le ministère a indiqué "vérifier les conditions d'élaboration de l'enquête et de collecte des données".
Début juillet, le Parlement a adopté une loi pour lutter contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur prévoyant des mesures de sensibilisation et des sanctions disciplinaires et rendant obligatoire la désignation d'un "référent" d'établissement dédié à la lutte contre l'antisémitisme et le racisme.