Sidérurgie, chimie: l'industrie européenne demande des protections face au spectre de la désindustrialisation

Les industries lourdes de la vieille Europe - sidérurgie, chimie - soutenues par plusieurs gouvernements ont demandé jeudi un renforcement des mesures de protection et une accélération du soutien à la décarbonation, faute de quoi le continent est menacé de "désindustrialisation".

Plus et plus vite: Au lendemain de la présentation par la Commission européenne d'un plan destiné à sauver l'industrie sans sacrifier le climat, la France, l'Italie et l'Espagne et d'autres États membres ont pressé Bruxelles de muscler les défenses de la sidérurgie européenne face à la concurrence étrangère, lors d'un mini-sommet à Paris.

Une "transition propre et numérique ne peut se faire sans l'acier" à la base de secteurs essentiels tels que l'automobile, l'énergie, la construction ou la défense, fait valoir un communiqué commun signé par les représentants de sept pays présents (Belgique, Italie, Espagne, France, Luxembourg, Roumanie et Slovaquie) jeudi.

Soixante-quinze ans après la déclaration de Robert Schumann, qui proposait alors la création de la communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), laquelle fut en 1952 l'un des socles de l'Union européenne, ces sept pays se sont réunis à Paris au chevet de l'acier européen en grande difficulté.

Car en Europe, la demande d'acier a chuté de 25% ces cinq dernières années.

Les entreprises du secteur, qui emploient 310.000 personnes sur le continent, sont fortement fragilisées.

- "charnière pour l'industrie" -

Des fermetures de sites majeurs sont envisageables "dans les 12 à 18 mois" si rien n'est fait, indique-t-on dans l'entourage du ministre français de l'Industrie Marc Ferracci, qui organisait la rencontre à Paris.

Sur les douze derniers mois, le gouvernement français a recensé la fermeture de "cinq haut fourneaux de production d'acier primaire en Europe centrale". "Des baisses de cadence sont observées en Allemagne, en Roumanie, en Hongrie, la plus grande aciérie tchèque a été déclarée en faillite et, en Allemagne, Thyssenkrupp a annoncé la suppression de 11.000 postes", ajoute-t-on.

Premier responsable: la panne du secteur de la construction et l'atonie de celui de l'automobile, les deux principaux acheteurs d'acier en Europe.

De plus, l'acier européen est confronté à un quadruple problème qui se cristallise en menace existentielle, selon les participants au sommet: concurrence massive d'acier chinois à bas prix, menace de relèvement des droits de douanes sur l'acier aux États-Unis, prix de l'énergie en Europe très supérieur à celui des autres continents, et coûts de décarbonation en hausse.

Selon M. Ferracci, l'industrie européenne est à un "moment charnière", "dans un état comparable à ce qu'était le système financier en 2008".

"Vous nous avez demandé de faire des fours électriques (pour recycler l'acier et faire baisser les émissions de CO2 du secteur de la sidérurgie, NDLR), il faut maintenant nous aider" à les financer, a demandé le ministre italien des entreprises et du "Made in Italy" Adolfo Urso, présent à Paris.

"Si notre modèle mène à une désindustrialisation de l'Europe et non à une décarbonation, personne ne va nous suivre", a-t-il lancé.

Les sept pays, signataires d'une déclaration commune, demandent un renforcement de la taxe carbone au frontières dite CBAM (ou MACF en français).

Élaborée pour assurer l'égalité de la concurrence entre les industriels européens soumis aux exigences climatiques de décarbonation et les non européens, le mécanisme prévoit que le prix du carbone des importations soit équivalent au prix du carbone intérieur.

- "marchés publics verts" -

Les signataires souhaitent que ce dispositif évolue vers un système environnemental plus protectionniste: Il impliquerait une taxe par défaut pour tout l'acier importé dont les émissions réelles de CO2 sont mal connues.

Côté recyclage, les exportations de ferraille hors de l'UE "doivent être mieux contrôlées" et des mesures doivent être prises pour "restreindre ou interdire" les exportations vers des pays tiers qui n'adoptent pas une législation environnementale et de production similaire à celle de l'Europe, indique aussi le texte.

Enfin, ils souhaitent aussi que les "marchés publics verts" soient encouragés dans l'UE.

Une "alliance des pays amis de l'industrie lourde" doit voir le jour lors du prochain Conseil de compétitivité le 12 mars, sur le modèle de l'alliance du nucléaire pour peser dans les débats de la Commission. Elle comportera l'industrie chimique, également en difficulté.

Quelque 400 dirigeants d'entreprises européens, notamment de la chimie, ont demandé jeudi aux chefs d'état et de gouvernement "des mesures immédiates et concrètes" face à une crise "sans précédent" et ont demandé de "restaurer la compétitivité de la chimie", notamment par l'accès à une "énergie décarbonée compétitive".

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