Séisme en Turquie et en Syrie: "une autre façon de faire" pour les ONG

Contraintes par l'Etat turc, qui préfère l'aide bilatérale, et par la situation dans la Syrie en guerre, les ONG internationales ont adopté "une autre façon de faire" face au désastre du séisme de lundi.

Dès les premières heures suivant le tremblement de terre qui a déjà tué plus de 25.000 personnes, les ONG déjà présentes dans le sud de la Turquie - leur base arrière pour intervenir dans le nord-ouest syrien - ont proposé leurs services.

"On leur a dit qu'on avait des d'hôpitaux de campagne, du personnel, ils ont préféré l'aide bilatérale et ne pas avoir d'ONG", explique Michel-Olivier Lacharit, le responsable des urgences à Médecins sans frontières (MSF).

"Il y a eu une hésitation les deux premiers jours sur le rôle des ONG, mais vu l'ampleur des dégâts, les portes se sont finalement ouvertes", précise Pascal Bernard, directeur général délégué aux opérations pour Acted, qui est enregistrée en Turquie et donc habilitée à y intervenir directement.

Pour l'heure, il n'y a donc pas de répétition du "syndrome Haïti" observé après le séisme de 2010, quand de nombreux acteurs humanitaires s'étaient précipités dans ce pays aux richesses et aux infrastructures bien moindres que celles de la Turquie.

De l'autre côté de la frontière et alors que l'aide humanitaire de l'étranger afflue en Turquie - l'Allemagne a annoncé vendredi qu'elle y envoyait 90 tonnes de matériel par avion -, son acheminement est beaucoup plus complexe.

- Aide asymétrique -

En Syrie, les sanctions adoptées contre le régime de Damas compliquent une situation déjà "très volatile" dans des zones où, selon l'ONU, 5,3 millions de personnes risquent de se retrouver sans abri, résume Jean-François Corty, médecin et porte-parole de Médecins du Monde.

"L'aide est moins rapide et moins efficace", constate-t-il. Avec les autres ONG, il exhorte à "faciliter les secours côté syrien".

Pour l'heure, l'essentiel de l'aide humanitaire destinée aux victimes syriennes, pour une large part situées dans les territoires tenus par les rebelles opposés au président Bachar al-Assad, arrive depuis la Turquie par le point de passage de Bab al-Hawa.

Des deux côtés de la frontière, les ONG internationales ont d'abord évalué depuis lundi les besoins (en tentes, médicaments, nourriture...) et distribué des repas chauds, couvertures et chauffages en partenariat avec des acteurs locaux.

Côté turc, MSF indique avoir eu "au cas par cas" des demandes d'équipements, dont des éclairages pour des blocs opératoires et des machines à dialyses" utilisées pour gérer les cas de "crush syndrome" sur ces milliers de corps compressés pendant des heures sous les gravats des immeubles effondrés.

"Dès que c'est possible, on fait ces donations. C'est une autre façon de faire, on s'adapte", commente Michel-Olivier Lacharit.

- Phases d'aide -

Les ONG ont aussi identifié les risques sécuritaires, et pris notamment attache avec des chefs de quartiers.

"Il y a d'énormes problèmes de sécurité", explique Pascal Bernard d'Acted, qui devait débuter ce week-end des distributions à grande échelle avec des milliers de kits d'hygiène, de nourriture et de bâches destinés à la ville d'Antakya, anéantie par le séisme d'une magnitude de 7,8 survenu lundi.

"C'est compliqué de griller ces étapes d'évaluation car si vous ne distribuez pas assez dans une zone où il y a beaucoup de besoins, vous risquez une émeute", explique-t-il.

Une seconde phase vient de débuter, celle de la levée de fonds, en parallèle à la prise en charge des personnes sans abris, qui se fait en coordination avec l'organisme de secours d'urgence turc (Afad).

En Syrie, les ONG, qui achètent tentes et abris, vont également particulièrement surveiller l'épidémie de choléra.

L'aide s'inscrira ensuite dans la durée.

Dans le mois à venir, il faudra, outre la prise en charge de la santé mentale des milliers de personnes endeuillées et sous le choc, "réévaluer la solidité des immeubles qui ne sont pas tombés, travailler sur l'accès à l'eau potable et l'assainissement, nettoyer les débris, construire des abris", explique Jean Raphaël Poitou, responsable plaidoyer Moyen-Orient pour Action contre la Faim.

Suivra ensuite le volet de la reconstruction. Bien plus long encore.

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