Sécheresse en Roussillon: les nappes phréatiques sous la menace de l'eau de mer

Inquiétudes dans la plaine du Roussillon, frappée par la sécheresse: Si le niveau des nappes phréatiques baisse trop, l'eau de mer pourrait les polluer et rendre l'eau impropre à la consommation dans plusieurs secteurs de cette importante région touristique et agricole.

Ce phénomène s'était déjà produit dans ce département frontalier de l'Espagne pendant la Seconde guerre mondiale sur les nappes superficielles. Un exploitant agricole voulait faire des rizières à côté de Saint-Laurent-de-la-Salanque et avait pompé énormément d'eau dans les nappes superficielles, à 20 mètres de profondeur. Elles avaient alors été polluées par l'eau de mer.

Mais aujourd'hui, ce sont les nappes profondes, à une centaine de mètres, d'où provient l'eau potable, qui suscitent des inquiétudes. En France, des intrusions marines ont déjà été constatées dans la région de Toulon (Var), dans le Cotentin (Manche) et le département du Nord.

"Un des risques les plus importants se situe sur la bordure côtière nord, sur la bande littorale", indique à l'AFP, Nicolas Rasson, chef du service eau et risque de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) des Pyrénées-Orientales.

"Le risque que l'on a sur ce secteur c'est que le niveau des nappes baisse et devienne plus bas que celui du niveau de la mer. Il pourrait alors y avoir dispersion de l'eau salée dans l'eau douce qui serait ainsi polluée", avertit-il. Le niveau actuel est réellement faible du côté de Torreilles, une commune littorale au nord-est de Perpignan.

"Depuis juin, à cause des fortes températures et de la faible pluviométrie, on est en baisse régulière. On a des besoins supplémentaires du fait de l'arrivée des touristes. Tous les projets d'urbanisation doivent prendre en compte le niveau des ressources" en eau, insiste ce responsable. Chaque année, 80 millions de m3 sont prélevés des nappes de la plaine du Roussillon.

"Il y a longtemps que l'on avertit", renchérit l'hydrogéologue Henri Got, ancien président de l'Université de Perpignan et président du Conseil de développement durable de l'agglomération de Perpignan.

"Si on continue à surexploiter les nappes, nous allons avoir des problèmes de salinisation. Il y a déjà des points où l'on a constaté une salinisation anormale des nappes profondes: à Torreilles et à Saint-Marie-la-Mer", précise-t-il.

- "Intrusion de l'eau marine" -

"Jusqu'à présent, la pression fait qu'il y a un flux de l'eau douce vers la mer. Si on continue à trop exploiter la nappe, le sens de circulation des eaux s'inverse et il y a intrusion de l'eau marine dans les nappes d'eau douce qui sont alors polluées de manière irréversible", selon M. Got.

A Sainte-Marie-la Mer, près de Toreilles, il y a "une forte augmentation du nombre de jours où le niveau de la nappe est inférieur au niveau de la mer. Plus on pompe plus on augmente les risques. C'est toute la nappe du secteur qui peut être affectée d'ici à cinq ans", met en garde l'hydrologue.

Cette intrusion de l'eau de mer "est irréversible à l'échelle d'une vie humaine. Elle n'a rien de théorique puisque le cas s'est déjà produit, notamment dans la région d'Almeria en Espagne", selon le Syndicat Mixte pour la protection et la gestion des nappes souterraines de la plaine du Roussillon.

Du côté de la préfecture, on confirme que "le cumul des pluies depuis le début de l'année est en dessous des normales pour le 1er semestre", avec un déficit pluviométrique important, de l'ordre de 90%, par rapport à la normale. Le niveau des nappes du secteur Aspres-Réart est à son "seuil d'alerte et de crise". Celui de la bordure côtières Nord "aux seuils de vigilance et de crise, notamment à Torreilles".

Cette situation très tendue a poussé les services de l'Etat à prendre de nouvelles mesures de restrictions. Les habitants de ces secteurs sont appelés à réduire au strict nécessaire l'usage de l'eau. Le remplissage des piscines et des plans d'eau est interdit, comme le nettoyage des voiries, l'arrosage des pelouses et des espaces verts et des stades de 08H00 à 20H00.

Les prélèvements pour l'arrosage agricole sont réduits de 50% pour les secteurs classés en alerte renforcée. Ces mesures sont prolongées jusqu'au 31 août. Le non-respect des prescriptions de cet arrêté est dissuasif et peut-être puni d'une amende de 15.000 euros et d'une astreinte de 1.500 euros par jour.

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