Sécheresse, éboulements: les refuges de montagne face au défi climatique

Sécheresse exceptionnelle en 2022, crues et éboulements en 2023: les quelque 120 refuges et chalets de montagne gérés par la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) sont de plus en plus impactés par les événements liés au changement climatique.

"La montagne souffre beaucoup, on a de plus en plus de stigmates dans les bâtiments", indique à l'AFP sa directrice adjointe Maria Isabel Le Meur, en charge des hébergements.

QUESTION: Quelle est la situation dans vos refuges ?

REPONSE: "Chaque année a ses mauvaises nouvelles. Cette année, c'est beaucoup les aléas de type éboulements, pluies torrentielles. L'année dernière, on était beaucoup plus impacté par un manque d'eau, c'était très exceptionnel.

Dans le parc FFCAM, nous n'avons pas eu de fermeture l'an dernier, malgré tout un peu plus de la moitié des refuges ont été impactés. On a pris très rapidement des restrictions d'usage, en fermant les douches et en montant des toilettes sèches lorsque c'était possible.

Cette année, trois refuges de l'Oisans ont été impactés suite à des pluies et des éboulements: ils ne sont plus gardés mais conservent leur fonction première d'abri pour les personnes en détresse. Un quatrième, la Pilatte, est fermé définitivement, déstabilisé par la fonte du glacier à proximité. Et un cinquième, non géré par la FFCAM, a dû fermer cet été faute d'eau.

Ces aléas existent depuis toujours mais on sait que leur fréquence augmente et leur violence peut augmenter aussi. La montagne forcément souffre beaucoup, on a de plus en plus de stigmates dans les bâtiments."

Q: La FFCAM va-t-elle adapter son plan de rénovation de 26 refuges prévu entre 2017 et 2026?

R: "Forcément on s'adapte. On a ces deux années qui nous poussent à faire un bilan de ce qui a déjà été fait, et certaines opérations qui restent posent question.

Les refuges de haute montagne posent encore plus question car la fonte des glaciers rend les itinéraires d'alpinisme de plus en plus complexes.

L'objectif de la FFCAM, qui travaille beaucoup avec l'agence de restauration des terrains en montagne (RTM) de l'Office national des forêts (ONF), est de faire en sorte de conserver ce patrimoine, de le transmettre aux générations futures car c'est un levier pour les pratiques de montagne et pour le développement touristique des territoires.

Les bâtiments doivent émettre de moins en moins de gaz à effet de serre et être de plus en plus sobres notamment en eau, parce que c'est de plus en plus compliqué et ça va l'être encore plus. Tous les besoins en eau, tous les équipements sont définis différemment et vont encore évoluer par rapport à ce qu'on faisait il y a encore trois ans."

Q: Quels sont les principaux défis ?

R: "Côté énergie, les technologies sont plutôt matures, même si il y a toujours des difficultés d'exploitation: un des objectifs du plan est d'être à 100% d'énergies renouvelables sur les bâtiments rénovés, on n'y parvient pas parfaitement mais on est allé assez loin. Ça, c'est un succès.

Ensuite l'eau: quand le plan a été fait, on n'était pas dans le même contexte. A ce moment-là, on mettait un peu plus en avant l'augmentation du confort, on a voulu amener plus de gens à la montagne, notamment des scolaires, des familles... Et plus de confort, c'était un peu plus d'eau.

Mais comme tous, on a pris une grande claque l'an dernier. On considère qu'il faut revenir à du basique sur le refuge, qui est d'abord un lieu pour se secourir et pour permettre à tous de découvrir la montagne mais de façon très sobre, avec peu d'eau.

Parallèlement, la fréquentation à la journée et les bivouacs augmentent beaucoup, avec un impact fort sur l'eau et l'assainissement qu'il faut pouvoir traiter.

Malgré ce qu'il s'est passé l'an dernier, très peu de gens savent combien on consomme d'eau dans une journée. C'est un enjeu énorme d'expliquer que l'eau ne tombe pas du ciel, même en montagne."