Santé et bien-être, sources intarissables de risques sectaires

La question des dérives sectaires reste "prégnante", notamment dans le domaine de la santé et du bien-être qui représente près d'un signalement sur deux auprès de l'instance gouvernementale Miviludes, selon son rapport 2016-2017 remis jeudi à Matignon.

En 2016, 2.323 interrogations et signalements, dont 500 pour des "situations préoccupantes", ont été adressés à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). La tendance se confirme en 2017 puisque 2.580 saisines ont été comptabilisées.

- La santé, surtout -

La première source de signalements ne faiblit pas, au contraire. "Plus de 40% concernent le développement d'offres trompeuses dans le domaine de la santé et du bien-être ainsi que d'abus par des psychothérapeutes déviants. Ces phénomènes trouvent un écho amplifié sur les réseaux sociaux et sur internet", explique à l'AFP le président de la Miviludes, Serge Blisko.

Le rapport donne un coup de projecteur sur deux méthodes de soins qui semblent "particulièrement inquiétantes": le reiki, technique japonaise de "guérison" par imposition des mains, et la kinésiologie, discipline "psycho-corporelle" inspirée par la médecine chinoise. Ces techniques "connaissent un développement sans précédent en France, alors qu'elles sont porteuses de risques et non éprouvées", alerte la Miviludes.

Au rayon bien-être, le rapport attire l'attention sur la hausse de fréquentation des salons "bio-zen", où sont présentés notamment des stages "jeûnes et randonnées" qui "peuvent s'avérer dangereux pour des personnes porteuses de pathologies ou de fragilités". Sans parler des "régimes alimentaires extrêmes" comme le "crudivorisme", qui proscrit toute cuisson des aliments, et le "respirianisme" affirmant que l'être humain peut se nourrir d'air et de lumière...

- Déviances religieuses -

La mouvance évangélique, notamment pentecôtiste, en croissance, est pourvoyeuse d'un grand nombre de signalements (212 en 2016) visant le "discours" ou le "comportement" de tel ou tel pasteur, à la tête d'une Eglise souvent sans lien avec une instance reconnue.

La Scientologie et les Témoins de Jéhovah suscitent aussi des commentaires critiques "du fait de leur prosélytisme actif". Et pour les seconds, le refus de transfusion sanguine n'est pas seul en cause: la Miviludes rapporte, pour 2016 et début 2017, "12 témoignages extrêmement poignants sur le chantage et la souffrance que représente l'interdiction absolue pour tous les membres de la communauté (...) de maintenir des relations avec un adepte qui souhaite quitter le mouvement".

Certains mouvements catholiques intégristes, comme la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) fondée par Mgr Lefebvre, provoquent aussi des interrogations en raison, là encore, de prises de distance avec l'entourage, au-delà de propos pouvant relever du racisme ou de l'antisémitisme.

De manière plus inattendue, le rapport met en lumière, dans l'étude d'une chercheuse, une troublante corrélation entre la diffusion géographique des premiers foyers de rougeole de l'épidémie de 2008-2012 et l'implantation des établissements de la FSSPX, en faisant l'hypothèse d'une couverture vaccinale insuffisante dans la communauté.

- Nouveaux médiums 2.0 -

En 2016, la Miviludes a reçu 47 signalements dans le domaine des médiums ou de la "canalisation des êtres supérieurs". Les séances peuvent avoir lieu via la plateforme de communication vidéo Skype, où des médiums pratiquent la "lecture d'âme".

"L'utilisation des réseaux sociaux et les consultations à distance engendrent des risques nouveaux", note la mission, qui constate que "des personnes perdent pied avec la réalité sans que leur entourage comprenne qu'elles subissent une influence constante".

Parmi les stars du secteur, aux identités parfois multiples: Auset Nefer et Laura Marie qui, toutes deux, devisent sur "l'ascension" planétaire ou cosmique.

- Et l'islamisme ? -

Si la Miviludes est toujours associée à la prévention de la radicalisation, les interrogations sur les courants radicaux et leurs liens avec le jihadisme ont été moins nombreuses en 2016 qu'en 2015.

Mais des questions demeurent, pointe la mission, sur des cas de conversion à un islam fondamentaliste de type salafiste ou tabligh, mais aussi plus spiritualiste (soufi).

"Les proches font part de leur inquiétude face à un changement total de mode de vie, à l'arrêt des études, à un repli, aux nombreux voyages d'études et à la très grande difficulté de maintenir des relations familiales", s'alarme le rapport.

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