Le Sénat a adopté mardi un texte de loi pour permettre la conversion au biogaz de la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle), sous l'oeil rassuré mais vigilant des salariés venus manifester à Paris en marge d'une étape parlementaire essentielle pour la survie du site.
Parés de casques de chantier et de gilets orange fluo, une centaine de salariés de la centrale thermique Emile Huchet se sont mobilisés en début d'après-midi pour appeler les sénateurs à "sauver les emplois" de Saint-Avold, suspendus à de cruciales décisions politiques.
Ils ont été entendus, au moins partiellement, par les élus de la chambre haute, qui ont adopté unanimement une proposition de loi déposée par tous les sénateurs de Moselle avec le soutien du gouvernement.
Un consensus s'est dégagé sur de nombreux points sensibles soulevés localement ces derniers jours, suffisamment pour rassurer les salariés: "Nous saluons le chemin de compromis trouvé au Sénat, qui a pris en considération nos demandes", a réagi auprès de l'AFP Thomas About, délégué syndical CFDT.
Ce texte entend lever une barrière législative à un projet de conversion au gaz naturel et au biogaz, dans lequel le propriétaire du site, GazelEnergie, est prêt à s'engager. Cela viendrait concrétiser l'annonce d'Emmanuel Macron, qui avait promis en 2023 la conversion de cette centrale d'ici 2027.
Grosse émettrice de gaz à effet de serre, la centrale de Saint-Avold est l'une des deux dernières centrales à charbon de France, avec celle de Cordemais (Loire-Atlantique), dont EDF a annoncé en septembre la fermeture sèche. Elle assure un rôle de sécurisation de l'approvisionnement en hiver lors des périodes de pointe.
"Nous voulons sortir du charbon, mais nous devons le faire en garantissant un avenir aux salariés et au territoire", a lancé le premier signataire du texte, le sénateur Khalifé Khalifé (Les Républicains), appelant à "stabiliser les emplois et sécuriser les dizaines de millions d'euros d'investissement nécessaires pour cette conversion".
En tout, quelque 150 emplois directs et environ 500 indirects sont liés à cette centrale.
- Centrales au fioul écartées -
Les débats récents autour de ce texte avaient suscité des remous ces derniers jours, en raison de divers ajustements effectués au Sénat en commission, de nature à "sacrifier la conversion de la centrale", selon les salariés et les élus du territoire.
En effet, ils reprochaient au texte de loi d'avoir été élargi pour rendre les centrales au fioul éligibles à ce même dispositif de conversion. Ce qui pourrait, selon eux, "permettre la réouverture de 14 centrales fioul en France" et saturer le dispositif concerné au détriment de Saint-Avold.
Mais les sénateurs, avec l'appui du gouvernement, sont revenus sur ce point dans l'hémicycle, en choisissant de circonscrire le dispositif aux centrales "utilisant du charbon, de la tourbe ou du schiste bitumineux".
Une rédaction "d'équilibre" qui "consiste à exclure des combustibles comme le fioul, mais à intégrer des combustibles qui sont reconnus par la Commission" européenne, a assuré le ministre délégué à l'Industrie, Marc Ferracci, promettant que les "effets d'aubaine" seraient évités.
"Ecarter les centrales à fioul était l'une de nos demandes principales. Désormais, nous restons vigilants pour la suite des débats parlementaires", a salué Thomas About.
Certains sénateurs ont néanmoins émis quelques doutes sur le périmètre du texte et sur les délais juridiques imposés par la proposition de loi (autorisation environnementale, notification à la Commission européenne...).
Les sénateurs ont également adopté une mesure imposant à EDF de présenter un "plan de conversion" de l'installation de Cordemais, après un travail transpartisan des sénateurs de Loire-Atlantique.
Le texte est désormais transmis à l'Assemblée nationale où les députés l'examineront le 7 avril.