#SaccageParis, de paria à interlocuteur de la mairie de Paris

Présenté comme une "campagne de dénigrement" et de marketing politique lors de son émergence début avril 2021, le mot-clé saccageParis a non seulement perduré, mais l'Hôtel de Ville lui reconnaît un an plus tard un rôle positif de "lanceur d'alerte".

Mardi, Quentin Divernois, l'un des animateurs de ce qui est désormais communément qualifié de "mouvement", publie sur Twitter la photo d'un banc historique réduit en pièces sur un trottoir, victime apparente de travaux de voirie.

La réponse d'Emmanuel Grégoire, le premier adjoint de la maire PS Anne Hidalgo, ne traîne pas. "C'est évidemment totalement inacceptable", répond-il, et "le prestataire va être rappelé à l'ordre".

Le poids des 140 caractères, le choc des photos: la tendance #saccageparis, qui avait embrasé le réseau social début avril 2021, ne s'est jamais éteinte, régulièrement ravivée par les polémiques.

Tout commence par le tronçonnage par les services municipaux, mi-mars 2021, de la glycine centenaire qui magnifiait la terrasse d'un restaurant de Montmartre.

La mairie a eu beau réaffirmer que la plante grimpante était déjà morte, pour l'association FNE (France Nature Environnement) Paris, les services ont confondu mort et repos végétatif.

Le 21 mars, le profil PanamePropre, tenu par un cinquantenaire qui tient depuis à rester anonyme, lance le hashtag #saccageparis. Le succès d'un contre-questionnaire sur l'esthétique parisienne, qui réunit quatre fois plus de participants que la consultation officielle de la mairie, et les photos d'une vague de déchets flottant dans le bassin de La Villette servent d'élément fédérateur, et de détonateur, aux opposants d'Anne Hidalgo: le 2 avril, le mot-clé surgit sur la twittosphère.

"Une campagne de dénigrement de la droite et de l'extrême-droite revancharde", commente un adjoint d'Anne Hidalgo qui accuse elle Pierre Liscia, proche de Valérie Pécresse, d'être derrière une "campagne très orchestrée".

"Toutes les semaines, 10.000 signalements sont traités" via l'application Dans Ma Rue, se défend alors la mairie.

En vain: selon le cabinet de conseil en relations publiques Saper Vedere, avec 2,3 millions de tweets, #SaccageParis a été la plus grosse crise numérique de 2021 en France.

Si la mairie a d'abord parlé "d'astroturfing", une technique de marketing donnant l'impression d'un mouvement spontané et populaire, elle s'est ensuite "rétractée", dit ce cabinet belge qui observe autour du hashtag "une vraie diversité des bords politiques, une actualité renouvelée, de vraies images et surtout une volumétrie qui ne faiblit pas", avec plus de 100.000 tweets en janvier.

- "Utile dans le repérage" -

Si les manifestations organisées par le mouvement informel, qui s'est structuré avec un site internet et une fédération de collectifs, l'Union Parisienne, ont peu mobilisé, l'Hôtel de Ville a donc dû changer de ton, reconnaissant une "prise de conscience" vis-à-vis de "lanceurs d'alerte".

"Le mouvement a été utile dans le repérage" de certains dysfonctionnements, dit désormais Emmanuel Grégoire pour qui "SaccageParis a donné un écho plus large au manifeste sur l'esthétique".

Restauration et protection des bancs historiques Davioud, fin des bancs modernes dits "Mikado" et des pieds d'arbre dits "parcs à cochons", des glissières en béton armé et des plots jaunes sur les pistes cyclables provisoires: toutes les mesures annoncées dans le cadre de ce manifeste par le premier adjoint correspondent à des revendications des "saccagistes".

Mais pour l'adjoint à l'urbanisme, si le mouvement comprend des "gens de bonne foi", il subit aussi une "part d'instrumentalisation politique". "Dire que nous sacrifions le mobilier urbain historique, ce n'est pas vrai", assure l'élu socialiste, selon qui la moitié des bancs Mikado a déjà été retirée.

Pour le conseiller LR Rudolph Granier, le succès de SaccageParis "met à mal tous les mécanismes de démocratie participative de la ville, tous les comités Théodule". L'exécutif n'a "rien vu venir", dit l'élu d'opposition.

"Parfois (les "saccagistes") sont excessifs et outranciers, parfois ils ont raison", pèse Ariel Weil, le maire PS de Paris Centre qui encourage les protestataires "à faire de la politique".

Auteur du livre "La disparition de Paris", Didier Rykner, fondateur du magazine La Tribune de l'art, qui a rejoint la tendance en marche, rêve lui "d'une liste apolitique qui dise: +on va restaurer, entretenir, gérer Paris+".

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