Situation "alarmante", "climato-attentisme" de certains dirigeants, "calamiteuse régression" des Etats-Unis: cinq ans après l'Accord de Paris, "il est tout juste encore temps" d'agir, estime Laurent Fabius dans "Rouge Carbone", plaidoyer pour un "combat climatique" qui ne doit pas être reporté pour cause de Covid-19.
Dans ce livre qui parait mercredi aux éditions de L'Observatoire, le président de la COP21 ayant accouché du pacte climatique historique en 2015 s'inquiète: "Où est donc passé l'+esprit de Paris+ ?", lance-t-il, soulignant la nécessité pour les Etats de réduire largement plus les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement à +2°C, voire +1,5°C.
"La conjonction politique heureuse qui entourait l'Accord de Paris n'existe plus. Le choix du président Trump (de retirer les Etats-Unis de l'Accord, ndlr), le recul général du multilatéralisme, la montée parallèle du +brutalisme+ dans les rapports internationaux ont brisé le consensus qui avait rendu possible l'accord", regrette l'ancien Premier ministre, appelant l'Union européenne et la Chine à relancer cette "dynamique internationale".
Et pendant que les "climato-somnambules", dirigeants politiques ou de grandes entreprises émettrices de CO2, font de la résistance face à la transition écologique, les prévisions des scientifiques sont "alarmantes", rappelle Laurent Fabius: "Allons-nous en quelque sorte être carbonisés?".
Assurant ne pas faire partie de la "confrérie" des collapsologues, le président du Conseil constitutionnel refuse le défaitisme et plaide pour le "volontarisme", par des "petits gestes" de tout un chacun associés aux grandes décisions des Etats (arrêt de la construction de centrales à charbon, encouragement des renouvelables, aides aux pays du sud...).
"Comment éviter que notre planète vire au rouge carbone ? Ce n'est pas simplement le combat d'une vie: c'est le combat pour la vie (...) Il est tout juste encore temps".
Et la crise sanitaire et économique liée à l'épidémie de Covid-19 ne doit pas remettre en cause cette lutte contre le réchauffement, insiste-t-il.
"Le combat sanitaire (...), loin d'affaiblir l'enjeu du climat, conforte au contraire la nécessité et l'urgence du combat climatique, combat central, +existentiel+ au sens propre pour l'humanité", écrit Laurent Fabius. Il dénonce "l'approche simpliste et dangereuse" de ceux qui disent que "la séquence coronavirus a prouvé qu'un recul des émissions de gaz à effet de serre s'accompagnerait immanquablement d'une saignée économique".
Le Covid-19 "a montré qu'il était possible en quelques semaines de freiner, de suspendre, voire de stopper tout un système économique, +le+ système économique. L'intervention des dirigeants en matière climatique doit être aussi volontariste pour éviter que demain ne ressemble, voire en pire, à aujourd'hui".