"Rhume passager" en vue pour l'économie française fin 2022, selon l'Insee

L'économie française va se gripper et tomber dans le rouge au quatrième trimestre avant de rebondir légèrement en 2023, échappant à la récession malgré la crise énergétique qui continuera à pousser l'inflation jusqu'à un pic de 7%, a estimé l'Insee jeudi.

Flambée des prix de l'énergie et des produits alimentaires depuis la guerre en Ukraine, consommation des ménages en berne, production industrielle en repli... L'Institut national de la statistique prévoit une contraction de 0,2% du produit intérieur brut (PIB) au quatrième trimestre, qu'elle voyait jusqu'ici atone.

Mais si elle devrait plier dans ce contexte morose, l'activité économique échapperait à la récession, définie comme deux trimestres consécutifs dans le rouge, grâce à un léger rebond attendu à 0,1% au premier trimestre de 2023 puis à 0,3% au deuxième.

En ce qui concerne 2022, "il s'agirait au quatrième trimestre d'un fléchissement mais pas d'une rupture", a estimé Julien Pouget, chef du département de la conjoncture de l'Insee lors d'une conférence de presse. C'est "un rhume passager dont en général on se remet", a-t-il illustré lors d'une conférence de presse.

La Banque de France est un brin plus optimiste, avec +0,1% attendu au quatrième trimestre.

- Prévision annuelle abaissée -

Dans sa note de conjoncture, l'Insee a également revu en légère baisse sa prévision de croissance pour l'ensemble de 2022, à 2,5% (contre 2,6% précédemment), soit 0,2 point de moins que celle du gouvernement - et un net ralentissement par rapport à 2021, euphorique année de la reprise post-Covid (+6,8%).

"La note de conjoncture de l'Insee brosse le tableau d'une économie française résiliente, en mesure de surmonter rapidement les différents chocs auxquelles elle fait face cet hiver", s'est-on félicité au ministère de l'Economie.

Dans le détail, après une croissance du PIB de 0,2% au troisième trimestre, l'activité devrait pâtir entre octobre et décembre d'un recul de la production industrielle et d'une nette contraction de la consommation des ménages (-0,7%), son moteur traditionnel, en raison du choc énergétique.

Ces derniers devraient moins consommer d'énergie en raison des températures clémentes du début de l'automne et sous l'effet de comportements de sobriété face à des prix de l'énergie qui se sont calmés, mais demeurent à des niveaux élevés.

Début 2023, le rebond dans le raffinage après les grèves de l'automne, le redémarrage de plusieurs réacteurs nucléaires ainsi qu'un rebond de la consommation des ménages (+0,4% au premier trimestre et +0,2% au deuxième) devraient remettre un peu d'huile dans les rouages de l'économie.

La France devrait tirer son épingle du jeu par rapport à l'Allemagne, première économie européenne où l'Institut de conjoncture Ifo dit s'attendre à une récession - limitée à un recul de 0,1% du PIB - durant l'hiver.

Ces prévisions sont toutefois sujettes à de nombreux aléas, notamment le développement de la guerre en Ukraine, la situation sanitaire en Chine et l'impact du resserrement monétaire amorcé par les banques centrales, a prévenu l'Insee.

- Inflation nourrie -

Les prix de l'énergie, dont la hausse s'est propagée aux prix de production et alimentaires, continueront à nourrir l'inflation dans les prochains mois, avec la hausse programmée des tarifs réglementés du gaz et de l'électricité et la fin de la ristourne généralisée à la pompe en 2023.

Après 6,6% attendus en fin d'année, l'inflation devrait culminer à 7% sur un an en janvier et février, puis reculer à 5,5% en juin, toujours pénalisante pour le portefeuille des ménages.

Pour faire face à cette flambée des prix, qui frappe toutes les grandes économies occidentales, la Banque centrale européenne (BCE) a affiché jeudi sa détermination à poursuivre ses hausses de taux.

Elle table sur une inflation à 6,3% l'an prochain en zone euro, plus élevée que précédemment anticipé, avec une croissance abaissée à 0,5%.

En France, le pouvoir d'achat des ménages résisterait en fin d'année (+0,7% par "unité de consommation" prenant en compte la composition des foyers), soutenu par les dispositifs d'aide du gouvernement en matière d'énergie ou des mesures comme la suppression de la redevance audiovisuelle. Il fléchirait ensuite au premier semestre.

L'emploi devrait perdre en dynamisme et le taux de chômage se maintenir autour de 7,3% jusqu'à mi-2023, du fait d'un repli de la population active.

Pour 2023, le gouvernement table sur une croissance économique de 1%, un scénario réaffirmé par le ministère de l'Economie jeudi, qu'instituts économiques et économistes jugent trop optimiste.