Coup de frein sur le projet d'interconnexion électrique transmanche: la préfecture de Seine-Maritime a refusé d'accorder une concession d'utilisation du domaine public maritime à la société britannique Aquind, pour qui cet "aléa" ne remet pas en cause la réalisation de son projet "à terme".
"Le préfet de la Seine-Maritime a notifié à Aquind l'impossibilité d'accorder une concession d'utilisation du domaine public maritime", a annoncé mercredi la préfecture normande dans un communiqué.
Estimé à 1,4 milliard d'euros, le projet consiste en la création d'une interconnexion sous-marine d'une capacité de 2.000 mégawatts (MW) reliant les réseaux électriques de la France et de l'Angleterre.
Le 17 juillet, un arrêté préfectoral avait pourtant constaté "la conformité du projet aux dispositions du Code de l'environnement et a délivré en conséquence une autorisation environnementale".
Mais cet arrêté ne permettait pas de lancer le projet, car "d'autres autorisations restaient nécessaires", rappelle la préfecture.
Parmi ces autorisations figurait l'utilisation du domaine public maritime, "qui se base sur la reconnaissance de son caractère d'intérêt général", relevant d'une décision "de niveau national". Cette dernière n'a pas été validée, a donc annoncé la préfecture mercredi.
La concession d'utilisation du domaine public maritime, à savoir les fonds marins de la côte jusqu'à la limite des eaux territoriales françaises, suppose "une reconnaissance préalable de l'intérêt général du projet au sens du Code général de la propriété des personnes publiques", a précisé la préfecture.
Or, la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), saisie à trois reprises, a confirmé que le projet "pourrait constituer une charge pour les consommateurs", sur un aspect tarifaire en raison de contraintes techniques, et "ne répondait pas aux critères européens de planification des réseaux".
De surcroît, la DGEC rappelle que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n'a pas classé le projet comme prioritaire.
- "Besoins croissants" -
Dans un communiqué, Martin Dubourg, directeur France d'Aquind, s'est dit "surpris" de cette décision "compte tenu des besoins croissants d'interconnexion identifiés au niveau européen, particulièrement entre la France et la Grande-Bretagne, et des politiques mises en oeuvre à cet égard".
Cette décision "représente un aléa pour le projet, sans pour autant remettre en cause sa pertinence ni sa réalisation à terme", a ajouté M. Dubourg, disant vouloir "poursuivre le dialogue avec les institutions concernées".
Selon son promoteur, le projet "ne dépend d'aucun soutien financier public", ne vient pas "alourdir la dette nationale", "ni la charge fiscale des contribuables, ni le coût d'utilisation du réseau électrique répercuté à tous les consommateurs".
Au contraire, "les retombées économiques pour le territoire et les collectivités seront significatives" avec "plus de 3 millions d'euros par an de retombées fiscales pour les collectivités concernées", estime M. Dubourg.
Le projet d'Aquind Interconnector vise à transporter plus de 17 TWh d'électricité chaque année entre la Grande-Bretagne et la France, soit l'équivalent de 5,5% et 3,8% de leur consommation d'électricité respective en 2023.
Sur X, l'ancien député PCF de Seine-Maritime Sébastien Jumel s'est félicité de cette "victoire".
"Nous le disons depuis le début: Aquind n'a pas d'intérêt général, pas de respect pour le territoire. Le préfet interdit l'accès au domaine public maritime pour ce projet", a écrit ce farouche opposant.
En 2022, le gouvernement britannique avait rejeté la demande d'autorisation du projet, affirmant que les dommages causés par les travaux dépassaient les bénéfices, avant que la justice décide en 2023 de renvoyer le dossier au ministère de l'Energie (BEIS) pour un nouveau réexamen.
Contacté mercredi par l'AFP, ce ministère n'a pas souhaité faire de commentaire.
Le réseau électrique britannique est déjà connecté au continent européen via plusieurs liaisons, dont trois avec la France, une avec la Norvège et une autre avec le Danemark.
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