La publication vendredi de la troisième Stratégie nationale bas carbone (SNBC) a provoqué une levée de boucliers chez les acteurs de la rénovation énergétique qui dénoncent un "abandon" des ambitions climatiques de la France.
L'objectif de rénovations globales a été drastiquement revu à la baisse, passant de 600.000 à 250.000 logements par an à l'horizon 2030.
Alors que le Secrétariat général à la planification écologique visait encore en 2023 une accélération massive pour éradiquer les passoires thermiques, la nouvelle feuille de route acte un repli stratégique.
Pour le Réseau Cler, fédération des associations de la transition énergétique, cette révision comptable constitue un "signal d'abandon de la politique ambitieuse" initiée il y a deux ans.
Isabelle Gasquet, sa responsable plaidoyer, pointe une "incohérence totale" entre les promesses passées et ce coup de rabot, alors que le dispositif MaPrimeRénov' avait pourtant suscité une "forte demande" des ménages avant d'être freiné par un budget insuffisant pour répondre à tout le monde.
Au-delà des batailles de chiffres, c'est le sort des "précaires énergétiques" qui inquiète.
Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation pour le logement des défavorisés, y voit une décision dictée par des "raisons purement budgétaires" qui inflige une "double peine" aux plus modestes : vivre dans le froid tout en payant des factures de plus en plus élevées.
Il rappelle que la précarité énergétique hivernale cause environ "10.000 morts par an" et engendre "800 millions d'euros de dépenses de soins annuelles pour la Sécurité sociale".
Les associations fustigent également une "aberration technique" dans la nouvelle feuille de route, qui favorise le changement de chauffage au détriment de l'isolation globale.
"Installer une pompe à chaleur dans une passoire thermique, c'est chauffer la rue", s'indigne Isabelle Gasquet.
Elle souligne que sans traiter l'enveloppe du bâtiment, ces équipements n'améliorent ni le confort ni la santé des occupants face à l'humidité et aux moisissures.
Même si les certificats d'économies d'énergie (CEE) sont bonifiés pour les rénovations d'ampleur réalisées par des ménages modestes, cela reste insuffisant pour compenser le désengagement de l'État via MaPrimeRénov', tranche M. Domergue.
Ce revirement, qu'il qualifie de "calcul à courte vue", risque enfin de casser la dynamique d'une filière du bâtiment déjà éprouvée par la politique du "stop and go", désorganisant durablement les artisans qui s'étaient structurés pour répondre à la demande.