"Utopique", chantier aux "nuisances considérables", financement incertain: l'idée lancée par Valérie Pécresse de rendre accessible l'ensemble du métro parisien aux personnes à mobilité réduite a été accueillie timidement par les différents acteurs, qui s'accordent malgré tout sur la nécessité de travailler sérieusement cette question.
"Nous sommes un peu sceptiques, c'est un programme qui va coûter des milliards et qui n'est techniquement pas assuré", a réagi le vice-président de la Fédération nationale des associations d'usagers de transports (Fnaut), Bernard Gobitz.
Lundi, la présidente de l'autorité des transports régionale Ile-de-France Mobilités (IDFM) Valérie Pécresse a partagé son souhait de rendre le métro accessible aux personnes à mobilité réduite, un projet à vingt ans, d'après elle.
Outre les personnes en fauteuil, ce projet peut faciliter la mobilité, dans une société vieillissante, de tous ceux qui ont des difficultés à marcher, dans une capitale qui consacre de plus en plus de place aux piétons et aux cyclistes.
Il en coûterait, toujours selon la présidente de région, entre 15 et 20 milliards d'euros dont un tiers serait apporté par la région. Mme Pécresse compte ensuite sur l'Etat et la ville de Paris pour financer le reste.
Cette somme est "une estimation qui a été faite au doigt mouillé, d'après les retours qu'on a", a tempéré mercredi l'adjointe à l'accessibilité des personnes handicapées à la mairie de Paris, Lamia El Araje.
La maire Anne Hidalgo avait elle confié mardi se demander "comment on finance, par de l'argent public, sans recettes nouvelles, un projet de cette ampleur-là".
- Longue phase d'étude -
La région dit être capable de débloquer 250 millions d'euros par an sur 15 ou 20 ans. Du côté de l'Etat, le ministre délégué aux Transports démissionnaire Patrice Vergriete a assuré ne pas être en mesure de prendre d'engagement sur le financement, étant simplement chargé des affaires courantes.
"L'État et la ville de Paris partagent cette envie de rendre le métro accessible", a-t-il ajouté, avant d'insister: "C'est un chantier probablement de dix à vingt ans, ce sont des nuisances considérables pour les Parisiens, parce que les travaux sont extrêmement lourds".
"L'objectif on le partage mais maintenant, il faut rentrer dans le concret", a déclaré le ministre, appelant à se mettre autour de la table pour discuter de la faisabilité du projet.
IDFM concède que le chantier passera de toute façon par une phase d'étude assez considérable. A l'heure actuelle, l'autorité dispose d'une seule étude sur la mise en accessibilité de la ligne 6, partiellement aérienne, et qui coûterait entre 600 et 800 millions d'euros.
Le conseiller national accessibilité d'APF-France Handicap, Nicolas Mérille, invite d'ailleurs IDFM, la ville de Paris et l'Etat à se réunir le 5 septembre dans les locaux de l'association pour "réfléchir à la mise en place d'un plan".
- Utopique -
Son association demande "qu'à chaque rénovation de station de métro, on prenne en compte le paramètre de l'accessibilité".
D'après M. Mérille, "il se rénove deux à quatre stations par an, en dix ans, cela peut concerner 20 à 40 stations", sans nécessité de rénover les plus de 300 stations du réseau. Il cite l'exemple du métro de Londres, où les JO de 2012 ont joué un rôle d'accélérateur avec 18% de stations aujourd'hui accessibles.
"A Paris, on est bloqué à 9% des stations", déplore-t-il. La RATP revendique d'être passée de neuf à 31 stations accessibles entre 2017 et 2024, mais c'est presque uniquement dû aux nouvelles gares ouvertes sur les lignes 11 et 14.
La Fnaut se dit favorable à des aménagements de type escalator ou ascenseurs pour les personnes âgées, en béquilles, avec poussette ou bagages, "mais un grand plan pour rendre accessibles toutes les stations de métro, cela paraît utopique, et contestable si c'est fait au détriment d'autres projets" comme des prolongements de ligne ou l'amélioration de la qualité de service, avance l'association.
Pour les fauteuils roulants, il faudrait relever les quais dans d'innombrables stations pour les mettre au niveau des rames, avec "une multitude de chantiers très pénalisants pour les usagers".