L'usine Renault de Maubeuge (Nord), dont les ouvriers craignaient la fermeture il y a quelques années, s'est convertie à la voiture électrique et assure son avenir avec la future Renault 4.
La maison du Kangoo, le petit utilitaire de Renault, doit lancer dans les prochaines années la production de ce nouveau modèle inspiré de la 4L des années 1960. Un concept doit être présenté mi-octobre au Mondial de Paris, avant un lancement prévu pour 2025.
Renault, qui faisait visiter son usine jeudi, a investi 200 millions d'euros pour moderniser l'atelier de tôlerie. Des robots jaunes y manipulent des pièces coupantes comme des rasoirs, les soudant à la carrosserie dans des gerbes d'étincelles.
Les ouvriers en uniforme gris circulent à vélo entre les machines, les approvisionnant en pièces, et contrôlant leur travail. 60 véhicules sortent chaque heure.
En amont, une gigantesque presse coréenne découpe 300 tonnes d'acier et 10 tonnes d'aluminium par jour. A mesure de 18 coups assourdissants par minute, elle sculpte les flancs d'un Kangoo d'un seul tenant.
Sur une seule et même ligne, Maubeuge produit pour le moment le Kangoo en version utilitaire et "ludospace" avec des sièges à l'arrière, ses faux jumeaux les Mercedes T-Class et Nissan Townstar.
Avec 450 millions d'euros d'investissement au total, Renault a soulagé une région qui s'inquiétait. Des milliers de Maubeugois avaient manifesté au printemps 2020 à l'annonce d'un plan d'économies drastiques de Renault, qui avait annoncé 4.600 suppressions d'emploi sur un total de 48.000 en France.
L'usine de Renault à Flins (Yvelines), qui fabrique encore la Zoé pour quelques mois, est désormais consacrée à "l'économie circulaire", soit principalement les voitures reconditionnées, tandis que l'usine de Choisy-Le-Roi a été fermée.
L'industrie automobile accélère ainsi sa migration vers le nord de la France, remarque le cabinet d'études Inovev: depuis l'an 2000, les Hauts de France étaient déjà la région avec la production la plus importante du pays, poussée par les usines Toyota et Stellantis de Valenciennes.
-Du Fuego à la nouvelle 4L-
Ouverte en 1969, Maubeuge a produit les Renault 12, 18, 19, 21, Fuego et Express, avant de lancer le Kangoo en 1997.
L'usine emploie désormais 1.700 salariés. Elle est une des trois jambes de l'ElectriCity, le nouveau coeur électrique de Renault dans les Hauts-de-France: à quelques kilomètres de là, Douai fabrique la Mégane et bientôt la nouvelle R5 et le futur Scénic, et l'usine de Ruitz doit remplacer les boîtes de vitesses par des bacs de batterie à partir de 2023.
"L'arrivée de l'électrique, à Maubeuge et à Douai, pérennise les emplois", se félicite Gilbert Dos Santos, 49 ans, dont 27 à Renault Maubeuge. "Ca permet aussi aux générations futures de se dire, oui, on a une chance de travailler plus tard dans la région".
A côté des énormes hangars de tôlerie et de montage, M. Dos Santos dirige un nouvel atelier, plus petit, où une trentaine d'ouvriers finalisent le montage des batteries électriques. Les ouvriers qui travaillent directement sur les circuits électriques sont équipés de chaudes tenues de sécurité, pour éviter les arcs électriques.
"C'est un travail de précision (...) il faut vraiment que ce soit sécurisé, car il ne faut pas que la batterie surchauffe ou qu'elle prenne feu", souligne Mathys Abdelhouaeb, 20 ans, chez Renault depuis deux ans. "C'est impitoyable les erreurs ici".
Le Losange veut produire dans son ElectriCity 400.000 véhicules par an à horizon 2025, contre 250.000 prévus en 2022. Nissan doit aussi lui confier la remplaçante électrique de la petite Micra.
Si les consommateurs décident de passer en masse à l'électrique, l'Electricity, "flexible", peut monter à 670.000 véhicules par an, selon son patron Luciano Biondo. Mais pour accélérer la transition, il faudra que les électriques arrivent au moins au prix des hybrides, souligne-t-il.
Renault, qui mise tout sur l'électrique, doit préciser bientôt ce qu'il fera de ses activités dans les moteurs diesel et essence. En ce moment, le constructeur cherche surtout à consommer moins de gaz, notamment dans les fours qui fixent la peinture, et à maintenir la production malgré les pénuries de pièces et un marché hésitant.
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