Réindustrialisation: en Bourgogne, la résurrection des friches Kodak

Près d'un milliard d'euros investis, 360 implantations, 6.600 emplois créés: SaôneOr, zone industrielle bâtie sur des friches Kodak que le ministre de l'Industrie visite jeudi, est érigée en "modèle" de réindustrialisation.

"Un cataclysme": Martine Granier, directrice du développement économique à l'agglomération de Chalon-sur-Saône (118.000 habitants), se souvient du choc qu'a été en 2007 la fermeture de l'immense usine du géant américain de la photographie, qui employait jusqu'à 3.800 personnes, dont elle-même.

"Mais bon, on ne va pas pleurer pendant 107 ans", lance-t-elle. "En fermant, Kodak laissait 110 hectares de terrain", situé à cinq minutes de l'Autoroute du soleil. "Une réserve foncière de cette taille entre Paris et Lyon, il n'y en a pas beaucoup. Donc, on a fait de cet échec une résilience", explique-t-elle.

Le Grand Chalon, où l'ancienne employée Kodak a retrouvé du travail, invente alors les "sites clé en mains", bien avant que le concept soit labellisé par le gouvernement, en 2020.

"On s'est dit qu'on allait faire à la place des entreprises non seulement la viabilisation des terrains (eau, gaz, électricité, routes) mais aussi les études archéologiques des sols et l'étude 4 saisons", qui évalue l'impact environnemental et prend un an, explique Mme Granier.

"On a gagné 18 mois", résume Clarisse Maillet, directrice d'Aérométal, dont la nouvelle usine de 10.000 m2 a été inaugurée en juin sur la bien nommée Rue de l'Argentique, en hommage à Kodak.

Aérométal, entreprise de recyclage de métaux critiques, compte parmi "la dizaine d'industries" lourdes à s'être implantées à SaôneOr, comme s'appelle la zone située sur la commune de Virey-le-Grand, non loin de Chalon.

Aujourd'hui, tous secteurs confondus, 360 entreprises l'ont choisie, soit 6.600 emplois, selon Mme Granier. Les investissements totaux "s'approchent du milliard d'euros", évalue-t-elle, de quoi ériger la zone en modèle à l'heure où la France semble s'enfoncer dans la désindustrialisation.

La CGT dit avoir recensé 325 fermetures de sites industriels depuis 2024, à l'image des emblématiques hauts-fourneaux d'Hagondange, en Moselle, que le groupe en difficulté Novasco (ex-Ascometal) va éteindre, au prix de 500 emplois.

- Un chômage en baisse -

SaôneOr en revanche, a permis de faire baisser de trois points le taux de chômage dans le Grand Chalon, selon Mme Granier: de 9,3% en 2014 à 6,6% maintenant.

Mais de quels emplois s'agit-il? s'interroge Eric Michoux, député LR/RN de Saône-et-Loire. "Ce sont des caristes, des salaires plutôt faibles. On crée la smicardisation de Chalon", déplore-t-il.

"Il y a tout: des emplois qualifiés et non", répond Mme Granier.

Sur les quelque 110 hectares repris à Kodak par le Grand Chalon, il n'en reste plus que 15 disponibles. Ils ne devraient pas le rester longtemps, glisse Mme Granier: "on a 3-4 touches", dit-elle sans plus de détails.

Jeudi, c'est au tour de l'espagnol Vicky Foods (viennoiseries) d'inaugurer une nouvelle unité de 20.000 m2 et de 600 salariés à terme. Cet investissement de 100 millions d'euros sera concrétisé en présence du ministre délégué à l'Industrie Sébastien Martin, ancien président du Grand Chalon et député LR de la région.

SaôneOr, considéré comme son bébé, lui a permis de se faire le héraut d'une réindustrialisation dans les territoires ruraux et probablement de décrocher un poste ministériel.

Il ne s'agit pas du seul site "clé en mains" en France, "mais le package, ici, cumule tous les accompagnements", explique Olivier Roger, qui gère la construction des 40.000 m2 de la nouvelle usine du leader français de pompes à chaleur, Atlantic.

Le groupe vendéen y relocalise sa production jusqu'alors effectuée en Asie, un investissement de 140 millions d'euros qui sera inauguré au deuxième semestre 2026.

"Chalon va vraiment de A à Z", renchérit Clarisse Maillet, d'Aérométal. "Non seulement le foncier est préparé et les études faites, mais, en plus, ils accompagnent les chefs d'entreprise et aussi les collaborateurs, avec la recherche de logements et des écoles", souligne-t-elle.

"Oui, on peut faire figure d'exemple", assure celle qui est également la vice-présidente industrie à la Confédération des Petites et moyennes entreprises (CPME).

"On vient me voir pour demander des conseils sur ce que fait Chalon", dit-elle.