Réforme du Cese: la question du tirage au sort enflamme le débat au Sénat

Démocratie représentative contre démocratie participative: la question du recours au tirage au sort de citoyens pour participer à des consultations publiques a enflammé le débat au Sénat, lors de l'examen du projet de réforme du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en septembre, a été voté jeudi en première lecture par le Sénat par 292 voix pour (LR, centristes, PS, RDSE à majorité radicale, Indépendants) et 50 abstentions (RDPI à majorité En Marche, CRCE à majorité communiste, écologistes).

Députés et sénateurs vont maintenant tenter de se mettre d'accord sur un texte commun en commission mixte paritaire. En cas d'échec, l'Assemblée nationale aura le dernier mot.

Lors de son discours devant le Congrès en 2017, le président Emmanuel Macron avait souhaité transformer le Cese, discrète institution consultative qui réunit au Palais d'Iéna des représentants du patronat, des syndicats et du monde associatif, en "une chambre du futur, où circuleront toutes les forces vives de la Nation".

A défaut d'une révision constitutionnelle, le projet de loi organique entend donner un nouveau souffle à l'institution pour répondre à une forte demande de démocratie participative dans l'opinion.

Il s'agit notamment de faciliter la saisine par voie de pétition du Cese, afin qu'il rende des avis sur des questions économiques, sociales ou environnementales de sa compétence soulevées par le public. Le nombre de signatures requis sera ainsi ramené de 500.000 à 150.000.

Les sénateurs ont validé ce dispositif avec quelques aménagements.

S'opposant "à toute légitimation du tirage au sort", la majorité sénatoriale de droite a, en revanche, supprimé en commission la possibilité pour le Cese d'organiser des "consultations publiques" sur une telle base, sur le modèle de la Convention citoyenne pour le climat.

La suppression de cette disposition emblématique a été longuement débattue, le gouvernement comme la gauche échouant à la rétablir en séance par voie d'amendements.

Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a défendu "une disposition centrale" du projet de loi. Le tirage au sort "n'affaiblit pas la démocratie. Au contraire, plus nos concitoyens participeront au débat public, plus la légitimité de ceux qu'ils éliront sera renforcée".

La rapporteure LR Muriel Jourda a, en revanche, estimé que cette modalité "est la négation de la démocratie telle qu'elle existe en France, dans laquelle nous avons des élus responsables".

Philippe Bas (LR) a dénoncé dans la Convention citoyenne "une imposture démocratique", où "un petit nombre s'arroge le droit de parler au nom du peuple sans la moindre légitimité démocratique".

"On est au coeur de ce que la société attend de nous", a au contraire affirmé le socialiste Jérôme Durain, défendant des "soupapes démocratiques". Il a reproché à la droite sénatoriale de "se crisper". "Là on est vraiment l'ancien monde", a-t-il regretté.

Pour son collègue Jean-Yves Leconte, si les consultations publiques ne sont pas organisées au sein du Cese, elles pourront être "organisées par l'exécutif hors de tout contrôle".

"C'est un apport nouveau et complémentaire", a encore affirmé Marie-Noëlle Lienemann pour le CRCE, préférant "la démocratie citoyenne à la tyrannie des sondages". Pour l'écologiste Guy Benarroche, "l'engagement citoyen" est "nécessaire à la vitalité de notre démocratie".

La réforme prévoit également une réduction du nombre des membres du Cese (233 actuellement). Le Sénat a retenu le nombre de 193, contre 175 pour l'Assemblée nationale, escamotant les 40 personnalités qualifiées nommés par le gouvernement. Un amendement PS a consacré la représentation des outre-mer et porté de quatre à six le nombre de représentants des jeunes et étudiants.