Une pollution "record" au polluant éternel TFA par l'usine BASF située à Saint-Aubin-Lès-Elbeuf, au sud de Rouen, est dénoncée vendredi dans une lettre ouverte transpartisane regroupant plusieurs associations.
La lettre envoyée à la préfecture, la Dreal, l'agence de l'eau et l'ARS, par le Comité de Défense de l'Environnement de Freneuse Boucle de Seine (CODEF), dénonce une pollution "majeure et persistante: les rejets en quantités anormalement élevées de TFA, un polluant éternel de la famille des PFAS, par l'usine BASF".
Les eaux polluées ont atteint selon cette lettre une concentration en TFA de "420.000 ?g/l" en entrée de la station d'épuration qui traite les rejets de l'usine BASF et "28.000 ?g/l en sortie de station les 21 et 23 mai 2024", donc directement dans la Seine.
Ces chiffres "hors normes", fournis par BASF dans le cadre d'une étude nationale ordonnée par l'Etat et révélés par le média d'investigation normand "Le Poulpe" en novembre, constituent selon le courrier "un record français, et de très loin, de rejets de TFA, sur 2.500 industries testées".
La source de cette pollution au TFA semble être la production par l'usine BASF de Fipronil, un insecticide "tueur d'abeilles" interdit d'utilisation en Europe mais toujours produit en France qui en a exporté 1.400 tonnes en 2023, selon l'ONG suisse Public Eye.
Le TFA (acide trifluoroacétique) est une molécule très persistante issue de la dégradation de certains "polluants éternels", les PFAS, substances présentes dans des pesticides, des revêtements anti-adhésifs de poêles, des mousses anti-incendie ou des cosmétiques, et particulièrement dans les rejets des usines qui les produisent.
Peu d'études ont été menées sur le seuil de nocivité du TFA pour la santé, mais l'Institut national de la santé publique et de l'environnement néerlandais propose de fixer une norme à 2,2 ?g/L, soit près de 13.000 fois moins que ce qui a pu être détecté à la sortie de la station d'épuration à Saint-Aubin-Lès-Elbeuf.
L'Agence allemande chargée des produits chimiques a récemment proposé de classer le TFA comme toxique pour la reproduction, une étude du géant de la chimie Bayer démontrant "de graves malformations foetales" sur les lapins.
Les signataires du courrier demandent notamment la prise en charge de tests sur la population, la transparence sur ces rejets et leur présence dans les nappes phréatiques et une étude de l'impact des pollutions.
Sont signataires les partis Ecologistes, MoDem, LFI, PS, PCF, Horizons, l'UFC Que Choisir, la CFDT et une dizaine d'associations.
Vendredi soir, BASF a de son côté indiqué à l'AFP qu'un "plan d'action de réduction à la source a été validé par les autorités" et qu'il est "en cours de déploiement sur le site" de l'usine.
"Les résultats des analyses réalisées sur le site BASF (...) ne montrent pas la présence des 20 PFAS mentionnés à l'arrêté (les valeurs restent en dessous des limites de quantification). Ils montrent cependant la présence de TFA à des niveaux de concentration variables", a indiqué la direction de la communication.
"Même si la valeur la plus élevée mesurée ne peut être considérée comme représentative de l'ensemble de notre activité et même si des vérifications sont encore en cours à ce sujet, nous prenons ce point de données très au sérieux et nous sommes engagés à inclure la réduction du TFA dans nos plans d'amélioration continue des activités du site", selon BASF.