Randonnée et chasse privée: polémique dans la réserve des Hauts de Chartreuse

La décision d'un propriétaire privé d'interdire le passage des randonneurs sur son domaine situé dans la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, dans les Alpes, suscite une fronde, avec pétition, plainte au pénal et campagne sur les réseaux sociaux.

Le ton est monté à l'été quand le marquis Bruno de Quinsonas-Oudinot, a déployé des panneaux "Propriété privée" autour de ses terres pour limiter le nombre de passages sur un site de plus en plus fréquenté par les promeneurs.

Depuis, une pétition "pour la liberté d'accès à tout-e-s à la Réserve naturelle" a réuni près de 30.000 signatures.

Situé au coeur de la réserve, son terrain d'environ 750 hectares, abrite de nombreux sentiers, des voies d'escalade et une magnifique arche rocheuse. Il accueille aussi des chasses privées au chamois tout à fait légales, mais qui, selon les signataires de la pétition, poussent le propriétaire à compliquer l'accès à ses terres "pour des objectifs mercantiles", notamment avec la pose des panneaux de la discorde.

Cette mesure est autorisée depuis l'adoption de la loi du 2 février 2023 qui limite l'engrillagement des espaces naturels pour permettre la circulation de la faune sauvage. En échange, elle autorise les propriétaires à matérialiser par des panneaux l'interdiction de franchir leur propriété, sous peine de sanction pénale.

Les terrains privés représentent environ 15% de la surface du Parc naturel régional de Chartreuse. Et du côté du Parc, la question est claire : "La propriété privée, c'est la loi, c'est d'ordre constitutionnel", tranche son président Dominique Escaron.

"Il y avait jusque-là une tolérance pour le passage de randonneurs, mais il faut aujourd'hui trouver l'équilibre entre toutes les pratiques", souligne Dominique Escaron, qui explique mener un "travail de fond" pour concilier les usages.

- "Saint Graal" -

Ces efforts de conciliation n'ont pas empêché le syndicat interprofessionnel de la Montagne (SIM)-CFDT de porter plainte pour "exercice illégal d'une activité réglementée" et "mise en danger de la vie d'autrui", dans la foulée de la pétition.

Dans cette plainte, que l'AFP a pu consulter, le SIM-CFDT avance que plusieurs des encadrants des sessions de chasse privée n'auraient pas le diplôme de guide de haute-montagne, requis pour exercer de telles activités commerciales.

La chasse n'est pas interdite dans la réserve naturelle, mais la polémique se nourrit de vidéos circulant sur YouTube, montrant des chasseurs étrangers en tenue de camouflage chassant le chamois de Chartreuse. L'espèce qui n'est plus menacée de disparition est classée "grand gibier" par les sites spécialisés qui la présentent comme "Saint Graal des chasseurs de montagne".

Selon Yannick Vallençant, le président du SIM-CFDT, les images vidéos sont éloquentes: selon lui, "on voit qu'ils utilisent des techniques non appropriées, voire dangereuses, dans des secteurs dangereux et avec des clients néophytes".

"Qu'on ait un titre de noblesse, de l'argent ou une arme, on est tenus au respect de la loi", martèle-t-il en dénonçant un "ostracisme de classe" en référence à la clientèle aisée qui s'offre ces séjours de chasse.

Bruno de Quinsonas-Oudinot, sollicité par l'AFP, a décliné tout commentaire. Rare dans les médias, il a juste expliqué au quotidien Dauphiné Libéré avoir été excédé par un "déferlement d'atteintes à sa propriété".

Et d'ajouter : "Pensez-vous une seconde que je me permettrais ou me croirais autorisé à me rendre chez vous dans votre jardin, quelle que soit sa taille, pour y planter une tente, faire un feu, couper des arbres pour faire griller des saucisses ?"

La plainte du SIM-CFDT, qui ne vise pas le marquis mais les organisateurs de ces chasses, "va être transmise pour enquête", a précisé le procureur de la République de Grenoble Eric Vaillant.

Dans le passé, des altercations avaient déjà eu lieu entre randonneurs et chasseurs sur la propriété, mais une plainte visant le marquis a été classée sans suite en juillet, "les violences alléguées étant insuffisamment caractérisées", selon le parquet de Grenoble.

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