"Ce n'est pas le programme qui me pose problème, c'est l'application nullissime qui en a été faite." Pilier du mouvement SaccageParis, Quentin "Divernois", un semi-pseudonyme, fustige sans relâche, sur Twitter, l'entretien de l'espace public par la mairie de Paris.
Il n'a pas grand-chose de l'opposant conservateur des beaux quartiers: tenue décontractée et casque sur les oreilles, l'ingénieur de 33 ans donne rendez-vous sur une terrasse branchée où il commande une bière.
Devant la terrasse, une poubelle modèle "Bagatelle" désaxée penche d'un côté, une plante dans un pot violet, perchée sur son potelet, se sent bien seule, puisque du pot voisin ne subsiste que le socle. En face, un haut panneau vantant la nouvelle police municipale est couvert de stickers.
"C'est un bon résumé", s'amuse Quentin Divernois, vrai prénom et faux nom de famille afin de ne pas mélanger travail et cette activité "apolitique". Il ne se voit pas un avenir dans les urnes: "si je me suis engagé là-dedans, c'est pour dire que les choses n'allaient pas, mais pas me lancer en politique".
Pieds d'arbre, bancs du Second Empire, réaménagement des places: sur Twitter, ce natif de Paris dissèque, photos et documents à l'appui, l'évolution de l'espace public parisien pour mieux critiquer les choix d'aménagement ou le manque d'entretien de l'équipe municipale. "Le diable se cache dans les détails", sourit-il.
- Ex-électeur d'Anne Hidalgo -
Ce militantisme 2.0, cet habitant du centre de Paris l'a embrassé en parcourant la capitale à pied: "c'est en marchant qu'on se rend compte de l'état de la ville". L'occasion d'égratigner la maire PS Anne Hidalgo qui, a contrario, "ne fait que de la voiture".
Marche, vélo ou métro: celui qui se reconnaît comme un électeur type d'Anne Hidalgo en a "marre qu'on dise que SaccageParis, c'est un truc de droite". Il a d'ailleurs voté pour l'élue socialiste en 2014, avant de prendre ses distances.
"La politique de la ville, ça devrait être toujours la même, qu'on soit de gauche ou de droite", estime ce jeune homme désormais connu à l'Hôtel de Ville, où il est qualifié de "constructif".
"Je n'ai aucun souci à dire quand des choses sont bien faites", dit-il en citant le travail numérique réalisé par la Ville ou la "végétalisation en pieds d'arbres de l'avenue de la République, plutôt réussie".
En mars 2021, le premier adjoint Emmanuel Grégoire lance une consultation pour une "nouvelle esthétique parisienne". Mais Quentin Divernois juge le questionnaire "malhonnête, complètement biaisé", à l'image des outils de démocratie participative développés par Anne Hidalgo, affirme-t-il. "C'est à cause de cette démocratie participative que je me suis mis sur Twitter."
- Bancs "Mikado" dans le viseur -
L'ingénieur et une autre internaute lancent alors, sans se connaître, une contre-consultation qui recueille en dix jours... quatre fois plus d'avis que celle de M. Grégoire, qui décide de les recevoir en visioconférence. Au même moment, le mot-clé SaccageParis prend son envol sur le réseau social.
Trois mois plus tard, l'adjoint à l'urbanisme promet de protéger les bancs Davioud et de retirer ceux, modernes et surnommés "Mikado", l'une des cibles favorites du mouvement. Donnant ainsi des gages au collectif qui avait racheté un banc historique aux enchères pour l'offrir symboliquement à la Ville.
Depuis, les bancs Mikado, "une vraie arnaque", sont toujours là, même si quelques-uns ont été retirés, souligne Quentin Divernois pour qui "le seul domaine dans lequel Emmanuel Grégoire a tenu parole" jusqu'ici, c'est celui d'un mobilier urbain "plus neutre sur les pistes cyclables semi-pérennisées".
Le quidam, lui, est devenu l'un des rédacteurs bénévoles du site internet de SaccageParis, lancé en septembre, et continue de dénoncer les atteintes au patrimoine sur la voirie parisienne, désormais suivi par plusieurs milliers d'abonnés.
Il aimerait qu'Anne Hidalgo, après sa campagne présidentielle, "admette qu'elle a fait des erreurs" pour mieux "reprendre en main son urbanisme".
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