Projets d'aménagement: des dégâts écologiques pas si compensés que ça (étude)

Le controversé projet de mégacomplexe Europacity a entre autres été critiqué pour l'absence de mesures compensatoires pour l'environnement. Mais celles-ci, pourtant prévues par la loi, ne permettent en fait pas d'équilibrer la destruction des milieux naturels, selon une étude.

La loi impose aux grands projets d'aménagement une démarche pour "éviter, réduire, compenser" (ERC) les destructions de biodiversité qu'ils entraînent. Démarche renforcée par la loi de 2016 et basée sur le principe de "non perte nette" de biodiversité, que ce soit en adaptant les projets ou en compensant ailleurs les dégâts jugés inévitables.

Dans 80% des cas, les mesures consistent en fait à protéger des espaces déjà de bonne qualité, selon cette étude de chercheurs du Muséum d'histoire naturelle et de l'Université Paris Sud, publiée dans la revue Biological Conservation.

Avant d'être finalement validée en juillet, la création de la zone d'aménagement (ZAC) pour Europacity avait ainsi un temps été suspendue par la justice administrative. Celle-ci critiquait les faiblesses de l'étude d'impact alors que le projet à plus de 3 milliards d'euros implique la destruction de 280 hectares de terres agricoles au nord de Paris.

Mais en pratique, les mesures de compensation ne remplissent dans leur grande majorité pas ce rôle, argumentent les chercheurs, s'appuyant sur l'étude de 24 projets (dont 16 routiers) autorisés dans les régions Occitanie et Hauts-de-France, mettant en cause des zones humides ou des espèces protégées.

Les espaces "compensés" sont ainsi plus petits que ceux détruits dans 17 des 24 projets, déséquilibre qui pourrait être redressé par une meilleure "qualité écologique" des mesures de restauration. Mais celles-ci sont en fait principalement menées dans des zones naturelles ou semi-naturelles, donc déjà de bonne qualité et avec un faible "gain écologique". Seuls 20% concernent en effet des espaces à restaurer, zones d'agriculture intensive ou espaces très dégradés.

Il s'ensuit donc que "les impacts sont certains et les gains incertains", selon le titre de l'étude.

"Une très bonne chose (l'obligation légale) à la base conduit in fine à une réduction forte de l'idée de ce qu'est la biodiversité et le système conduit à compenser seulement quelques espèces ou milieux", résume Fanny Guillet, qui a dirigé l'étude.

"D'un côté on a une destruction totale et de l'autre on compense par des mesures de gestion d'un espace naturel existant", poursuit la chercheuse, pointant le risque de voir "le mécanisme se substituer à une réflexion beaucoup plus stricte en amont sur l'opportunité des projets et la façon dont on aménage le territoire".

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