Projet gare du Nord: Mairie de Paris et opposants lâchent leurs coups contre le gouvernement

Mots vigoureux, menaces de "recours" en justice voire d'occupation: la mairie de Paris et les opposants au projet de transformation de la Gare du Nord, ont tonné mercredi contre la décision de l'Etat de délivrer le permis de construire, un "déni de démocratie" selon eux.

Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la mairie de Paris, avait tweeté mardi que le gouvernement venait "de s'inventer un Notre-Dame-des-Landes en plein Paris" en délivrant le permis de construire au volet commercial de la transformation de la Gare du Nord. Mercredi, il a enfoncé le clou en conférence de presse, aux côtés de la maire du Xe arrondissement, Alexandra Cordebard.

Le projet, évalué à 600 millions d'euros? "Totalement surdimensionné" et sur "un modèle usé", qui "représente une menace sur le tissu local" environnant. Délivrer le permis de construire un jour de remaniement? Un "déni de démocratie" parce que les Parisiens souhaitent "un projet mieux inséré dans son environnement". L'échéance prévue, à savoir les Jeux olympiques 2024? "Pas crédible et pas sérieux", tance encore Emmanuel Grégoire.

La veille, la coentreprise créée par SNCF Gares & Connexions et Ceetrus, la foncière d'Auchan, avait pourtant promis que "le lancement des travaux se fera sans attendre" et s'était dite "confiante quant au respect du calendrier", le préfet de la région Ile-de-France Michel Cadot évoquant de son côté un "objectif de livraison des travaux nécessaires pour les jeux Olympiques et Paralympiques 2024".

"Je mets au défi Ceetrus de me prouver (que les délais sont crédibles, NDLR) en produisant les plannings de chantier, auxquels nous n'avons pas accès", a répondu Emmanuel Grégoire, ménageant le préfet d'Ile-de-France - qu'il "pense aussi embarrassé que nous par cette décision" - pour mieux attaquer le gouvernement, accusé de "passé en force". "Un dossier de cette nature n'est pas décidé dans un petit bureau administratif secondaire", a-t-il aussi glissé.

- Occupation "possible" -

Sur le fond, et si elle ne conteste pas la nécessité de rénover la première gare d'Europe, vieille de 155 ans et fréquentée par plus de 700.000 voyageurs chaque jour, la municipalité évoque plusieurs "lignes rouges", outre le calendrier.

Elle demande d'abord une "dédensification" du projet, proposant de diviser la surface commerciale par quatre, de 20.000 à 5.000 m2; une "ouverture sur l'ensemble du quartier", en abandonnant "la séparation des flux d'entrée et de sortie" que la mairie juge "inadaptée pour une gare"; "l'amélioration de l'intermodalité avec les transports en commun, les vélos et les taxis".

Mardi, Michel Cadot avait plaidé que les porteurs du projet avaient "pris 13 engagements visant à assurer une bonne intégration de la gare rénovée dans le quartier", via notamment "la création d'un important parking à vélos", ou "la prise en compte du réaménagement du parking souterrain".

Insuffisant, estime Emmanuel Grégoire, qui brandit la menace de "recours judiciaires" pour faire pièce à ce projet.

Les associations d'usagers et d'habitants, présentes mercredi dans la salle de la Mairie de Paris où se tenait la conférence de presse, sont sur la même longueur d'ondes.

Sont-elles prêtes à aller jusqu'à une occupation de la gare? "Cela fait partie des choses possibles", estiment Chantal Henon et Jean-Pierre Leroux, du Comité des habitants Gare du Nord - La Chapelle. "Sur le jardin Villemin, quai de Valmy (Xe arrondissement, NDLR), on a occupé un chantier pendant six mois pour l'empêcher de fonctionner et on a gagné", explique le second, membre de la section PCF du Xe arrondissement.

"Il y a une demande de sens sur les projets, et un projet commercial en pleine gare du Nord, ça n'a pas de sens. La mobilisation est déjà forte dans nos associations, elle va grossir", abonde Christine Nedelec, présidente de France Nature Environnement Paris. "Les Parisiens, les habitants, les citoyens sont de plus en plus inquiets concernant les réponses gouvernementales ou parfois municipales à des enjeux sociétaux et écologiques graves".