Professionnels du bâtiment et "gilets jaunes" côte à côte à Lorient

"On ne bougera pas": à Lorient, patrons et salariés du bâtiment rejoints par des "gilets jaunes" organisent le blocage total du dépôt pétrolier, un site stratégique érigé en symbole des hausses du prix du gazole qui affecteront aussi les professionnels.

Ces entrepreneurs protestent contre la suppression d'une réduction fiscale sur le gazole non routier (GNR) prévue le 1er janvier.

Devant la grille blanche du site, les manifestants ont installé une pelleteuse de huit mètres de long en travers de la chaussée, obligeant les camions de ravitaillement à faire marche arrière et rebrousser chemin.

Dans une ambiance bon enfant, entre 80 et 100 manifestants, selon les moments, revêtus de gilets jaunes, certains au logo de leur entreprise de travaux publics, occupent jeudi une rue située à quelques centaines de mètres du port de Lorient, surveillant les accès au dépôt pétrolier, en présence de policiers.

Des dizaines de véhicules de chantier et de camions bennes sont installés sur lesquels on peut lire : "TP voit rouge" ou "TP en colère".

Dans le cadre de son budget pour 2019, le gouvernement va supprimer pour certains acteurs une réduction jusqu'alors appliquée sur la taxe intérieure de consommation (TICPE) sur le gazole non routier (GNR), alourdissant la facture pour les entreprises concernées.

"On ne bougera pas", a lancé le patron de l'entreprise TPSL, Norbert Guillou. Ce grand homme aux cheveux courts et à la large carrure est à l'origine du mouvement qui a démarré il y a 13 jours avec l'occupation d'un rond-point pour renforcer les "gilets jaunes" à Lanester, près de Lorient.

"On a besoin des +gilets jaunes+ et les +gilets jaunes+ ont besoin de nous", explique-t-il.

La suppression du "gazole non routier" (GNR), un carburant identique au gazole mais que les professionnels paient 50 centimes/L moins cher, va entraîner un surcoût inacceptable pour Norbert Guillou. Selon ses calculs, son poste de dépense en carburants passera de 15% à 25% pour son entreprise de 50 salariés.

- "La priorité, la sécurité du site" -

Parmi les manifestants, beaucoup sont mobilisés depuis le début du mouvement des "gilets jaunes" le 17 novembre. "A partir du moment où eux au gouvernement ils continuent, nous aussi on continue. On ne lâchera rien", assure l'un d'eux.

Sabrina, 38 ans, n'attend rien de la rencontre prévue vendredi entre des porte-parole des "gilets jaunes" et le Premier ministre Edouard Philippe. "C'est le peuple entier qui se révolte", dit-elle.

"Le dépôt est complètement fermé. Aucun camion ne rentre ni ne sort", à l'exception d'un poids-lourd jeudi à la mi-journée, a indiqué à l'AFP Marc Lhonoré, directeur du dépôt pétrolier de Lorient (DPL).

Alors "on en profite pour faire de la maintenance".

"Le DPL a porté plainte. J'ai fait constater le blocage par huissier qui a fait un procès verbal", explique ce directeur habitué à ce genre d'opérations. Le dépôt pétrolier a été pris pour cible régulièrement ces dernières années notamment par les agriculteurs.

"Pour moi la priorité, c'est la sécurité du site" car "le DPL est un site Seveso seuil haut, avec des hydrocarbures stockés", explique-t-il.

Décidés à "s'installer dans le temps", selon Marc Lhonoré, les manifestants ont déposé à l'extérieur du dépôt un local blanc en préfabriqué afin de d'organiser une veille 24h/24 sur le site.

Selon lui toutefois, il n'y a pas de pénurie de carburants pour le moment. "Les stations-service continuent d'être approvisionnées par d'autres dépôts de la région et tant que les gens ne vont pas faire le plein à outrance, il n'y a pas de risque ou de danger".

Dans le même temps, des patrons d'entreprises de travaux publics mènent aussi une opération de blocus au dépôt de Brest.