Prix: le lobby de l'agroalimentaire dénonce les alliances de distributeurs

L'Association nationale des industries alimentaires (Ania), qui défend les intérêts des agro-industriels a accusé mardi les grands distributeurs Intermarché, Auchan et Casino, qui ont décidé de s'allier pour leurs achats, de vouloir contourner la loi française "pour ne pas payer le juste prix".

Après l'annonce lundi de la création de l'alliance "Aura Retail" par ces trois distributeurs, l'Ania a dénoncé dans un communiqué "le scandale des centrales d'achat internationales qui menacent le principe même des lois EGAlim et s'attaquent à la souveraineté alimentaire française".

"En quelques années, (ces centrales) sont devenues un péage obligatoire pour que les entreprises puissent entamer leur négociation avec leurs clients distributeurs, sans aucune valeur ajoutée pour les industriels, forcés désormais de négocier la majorité de leur chiffre d'affaires hors de France et donc sous le radar de la loi française", dit le communiqué.

La Fédération du commerce et de la distribution (FCD), principale organisation représentant la grande distribution, a fustigé en retour "l'hypocrisie des multinationales industrielles".

Ces dernières, "pour beaucoup, ne s'approvisionnenent pas ou peu auprès de l'agriculture française" et "mènent des stratégies de cloisonnement et de fragmentation du marché européen, pour optimiser leurs marges en vendant plus cher dans certains pays, dont la France", accuse la FCD.

L'alliance "Aura Retail", qui va réunir Intermarché, Auchan et Casino (Monoprix, Franprix) sera organisée en cinq entités, dont deux basées hors de France, ont annoncé lundi ces parties prenantes. Elle va en outre rejoindre la centrale européenne Everest, mise en place aux Pays-Bas par l'allemand Edeka et le néerlandais Picnic, ainsi qu'une autre centrale, Epic.

Objectif avancé: "négocier les meilleures conditions tarifaires auprès des plus puissants industriels multinationaux", ce qui permettra "aux consommateurs de bénéficier de prix plus avantageux".

Mais pour l'Ania, "on ne peut pas déclarer, comme le font les distributeurs, soutenir l'application de la loi EGAlim qui vise à protéger le revenu des agriculteurs, et ne pas l'appliquer en installant des comptoirs de négociation à l'étranger".

"Alors que la principale préoccupation collective devrait être de renforcer notre souveraineté alimentaire en permettant la construction du prix (...) tout au long de la filière alimentaire, les distributeurs ont pour seul objectif le prix le plus bas pour grappiller quelques points de parts de marché à leurs concurrents," écrit le président de l'Ania, Jean-François Loiseau.

"Si nous ne rectifions pas le tir rapidement, le problème des centrales d'achat internationales, qui organisent le contournement de la loi française, ne concernera plus uniquement les grandes entreprises mais s'étendra d'ici peu aux ETI et aux PME", met-il en garde.

"Il serait temps que les multinationales cessent de se draper dans le prétexte de la défense du monde agricole, alors qu'elles ne protègent en réalité ni les agriculteurs, ni les consommateurs durement frappés par l'inflation, mais bien leurs seules marges", a réagi en écho Layla Rahhou, déléguée générale de la FCD, dans le communiqué du lobby des supermarchés.

Ce type de centrales ouvertes par plusieurs distributeurs ces dernières années hors de France avaient été pointées du doigt par des syndicats agricoles et des hommes politiques lors de la crise agricole de l'hiver, les accusés se défendant pour leur part de vouloir contourner la loi française.

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