Pris dans la tourmente, Rugy démissionne et dénonce un "lynchage"

Après une semaine de polémiques autour de repas fastueux lorsqu'il présidait l'Assemblée, François de Rugy a annoncé mardi sa démission du ministère de l'Ecologie, dénonçant un "lynchage médiatique" alors qu'il s'apprêtait à défendre le projet de loi énergie et climat.

Emmanuel Macron a dit respecter la "décision personnelle" du ministre, englué dans une série d'informations, "pour qu'il puisse se défendre pleinement et librement", a affirmé l'Elysée à l'AFP.

Alors que Matignon a lancé une enquête sur les faits reprochés, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye a affirmé n'avoir "aucune indication tendant à démontrer que François de Rugy a commis des actes qui sont contraires à la justice".

Le ministre a pris sa décision durant la nuit et avait en tête sa démission en se rendant mardi matin à Matignon, selon son entourage, où il était attendu initialement pour une réunion de travail "classique" avec Edouard Philippe.

"C'est une décision personnelle. La seule force extérieure c'est l'acharnement de Mediapart", souligne cette source.

Trente minutes avant de se présenter à l'Assemblée pour la séance de Questions au gouvernement où, contre toute attente, la démission n'a pas été abordée, M. de Rugy a fait savoir par communiqué qu'il se retirait, "trop attaché à l'écologie pour accepter que (notre) action écologique soit affaiblie par des mises en cause personnelles incessantes".

- Nouvelle enquête -

"La mobilisation nécessaire pour me défendre fait que je ne suis pas en mesure d'assumer sereinement et efficacement la mission que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre", a encore mis en avant M. de Rugy.

M. de Rugy, âgé de 45 ans, s'est aussi indigné contre "la volonté de nuire, de salir, de démolir" de Mediapart qui a en premier dévoilé mardi dernier des agapes dispendieuses lorsqu'il était président de l'Assemblée entre juin 2017 et septembre 2018. En ce sens, le député de Loire-Atlantique a affirmé avoir "déposé ce matin (mardi) une plainte pénale en diffamation" contre le site d'investigation.

Dénonçant des attaques sur la base de "photos volées, de ragots, d'approximations, d'éléments extérieurs à ma fonction", M. de Rugy s'est aussi dit "soumis à un feu roulant de questions nouvelles et contraint de parer sans cesse à de nouvelles attaques".

"Ce n'est pas parce que des médias le disent, qu'il faut le croire forcément", a renchéri la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, qui s'est dite "très attachée" à ce que l'ex-ministre "puisse se défendre librement".

Dans le même temps, Mediapart a indiqué dans un tweet avoir "envoyé hier soir (lundi soir, ndlr) des questions en vue de la publication d'une nouvelle enquête", mise en ligne mardi, qui met en question l'utilisation de ses frais professionnels en tant que député.

- "A bout" -

Outre la dizaine de repas organisés à l'hôtel de Lassay, M. de Rugy est également soumis à une "inspection" diligentée par le secrétaire général du gouvernement pour des travaux entrepris dans son logement de fonction.

D'autres révélations embarrassantes se sont succédé, concernant notamment le logement HLM de sa directrice de cabinet qu'il a limogée illico, la participation à un dîner "hors agenda" avec des lobbyistes du monde de l'énergie.

La démission de M. de Rugy ouvre une nouvelle période de vacance au ministère de l'Ecologie, 11 mois après la démission fracassante de Nicolas Hulot, plaçant dans l'embarras Emmanuel Macron qui a fait de la préservation de l'environnement l'un des marqueurs forts de la suite de son quinquennat.

Le ministre a démissionné le jour où il devait défendre au Sénat le projet de loi énergie et climat. Il a été remplacé dans l'hémicycle au Palais du Luxembourg par sa secrétaire d'Etat Emmanuelle Wargon.

Certains membres de la majorité, comme le président de l'Assemblée Richard Ferrand, avaient pris sa défense avant cette annonce, dans la droite ligne d'Emmanuel Macron qui avait dit lundi vouloir décider à partir de "faits" et mis en garde contre une "République de la délation".

Le chef des députés LREM Gilles le Gendre a ensuite salué une démission présentée "aussi pour protéger notre majorité". Son homologue au Sénat François Patriat l'a qualifiée "de bon sens, même s'il y a une forme d'injustice".

"C'est un homme solide, courageux, qui travaille beaucoup. Je pense qu'il est à bout", a pour sa part commenté la députée LREM Olivia Grégoire.

Dans l'opposition, le député LR Damien Abad s'est félicité de "la clarté" de sa démission mais a souhaité ne "pas couper des têtes".

"Le comportement qu'il a eu, a beaucoup choqué, au moment où il appartient (...) à un gouvernement qui demande aux Français et aux Françaises de se serrer la ceinture constamment", a estimé Mathilde Panot, vice-présidente du groupe LFI à l'Assemblée.

Même reflexion à l'extrême droite, le porte-parole du RN Sébastien Chenu estimant "qu'au moment où on demande aux Français de se serrer la ceinture, on ne peut pas dépenser des bouteilles de vin à 500 euros et déguster des homards géants".