Une politique salariale "incitative", mais pas seulement: un rapport remis jeudi au gouvernement identifie de multiples leviers d'action pour améliorer l'attractivité de la fonction publique territoriale, qui emploie près de 2 millions d'agents.
Le constat est posé dès l'introduction du rapport: avec des agents vieillissants (45,5 ans de moyenne d'âge) et une large majorité d'entre eux qui appartiennent à la catégorie C, la moins bien rémunérée de la fonction publique, la question de l'attractivité se fait pressante.
Missionnés en septembre par la ministre de la Fonction publique Amélie de Montchalin, les trois auteurs du rapport notent ainsi que "39% des employeurs territoriaux (départements, communes, intercommunalités, etc.) disent éprouver des difficultés à attirer des candidats en 2021, soit 9 points de plus qu'en 2015".
Parmi les causes de cette désaffection: un management "perçu comme +vieillot+, des métiers exposés à la fatigue physique et nerveuse ou encore des concours à l'organisation "complexe".
- Régime indemnitaire -
Mais aussi "des rémunérations qui ont évolué faiblement ces dernières années", le salaire net moyen d'un agent territorial s'élevant à 2.004 euros mensuels en 2019.
En conséquence, "la mise en place d'une politique de rémunération plus incitative est une priorité", jugent l'inspectrice générale de l'administration Corinne Desforges et les spécialistes de la territoriale Mathilde Icard et Philippe Laurent.
Les auteurs appellent à revaloriser annuellement par rapport au Smic le traitement des agents rémunérés aux plus bas échelons des grilles salariales.
Plus généralement, ils suggèrent de "revoir les grilles indiciaires et surtout les progressions (de carrière), ce qui permettra de donner aux agents des perspectives d'évolution plus satisfaisantes".
Pour autant, cela ne suffira pas, jugent-ils: "il doit y avoir une part importante de régime indemnitaire", c'est-à-dire des primes, "pour assurer l'attractivité de certains métiers".
"Il faut ainsi promouvoir une politique de rémunération qui permette de rémunérer les talents, au-delà des dispositifs indiciaires", font encore valoir les auteurs du rapport.
L'approche préconisée dans le document diffère ainsi de celle des syndicats de la fonction publique, qui appellent plutôt à dégeler la valeur du point d'indice - le mécanisme qui sert à calculer la rémunération des près de 5,7 millions d'agents publics.
La mission préconise enfin "la création d'un fonds pour l'attractivité de la fonction publique territoriale afin d'inciter et d'aider les collectivités en zone de moindre attractivité à recruter".
- Représentation "unifiée" des employeurs -
En dehors de la politique de rémunération, les auteurs plaident pour "le développement d'une offre de logements, notamment intermédiaires, pour les agents territoriaux".
En effet, "en Ile-de-France, en Provence-Côte d'Azur, en Rhône-Alpes (...) les loyers sont très élevés pour des agents des catégorie C et le nombre de logements sociaux insuffisant pour répondre à la demande", observent-ils.
Autre chantier, la gestion des ressources humaines doit faire l'objet d'une "réflexion commune" des associations d'élus locaux.
Pour ce faire, la mission suggère de transformer la Coordination des employeurs territoriaux, un groupement informel de collectivités de tailles diverses, en "une structure de représentation unifiée" des 42.700 employeurs locaux recensés.
Enfin, il est proposé d'agir sur la qualité de vie au travail. "Le rôle des élus est d'être attentifs à leur personnel", insistent les auteurs.
Amélie de Montchalin "a pris connaissance avec grand intérêt des pistes explorées, dont beaucoup relèvent des employeurs territoriaux et de leur coordination à l'échelle des bassins d'emploi", a souligné son ministère dans un communiqué.
"La ministre souhaite désormais que son contenu (du rapport, NDLR) fasse l'objet d'un échange informel" entre associations d'élus et organisations syndicales de la territoriale, ajoute le ministère.
Cet échange et la trentaine de propositions émises dans le rapport, souligne-t-il, "alimenteront utilement les réflexions en cours dans le cadre de la conférence sur les perspectives salariales", un cycle de concertation sur l'avenir du système de rémunération des près de 5,7 millions d'agents publics.
Le rapport a été établi sur la base de plus de 150 auditions, de travaux d'expertise, de deux enquêtes (auprès des jeunes et des employeurs publics locaux) et "d'échanges sur le terrain".